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notoire, en effet, que les races et variétés artificielles (soit animales, soit végétales) sont toujours infiniment plus nombreuses, plus variées, plus tranchées que les races et variétés sauvages : or l’homme a eu beau pétrir et transformer ces organismes, il a pu obtenir des races, jamais une seule espèce nouvelle. En vain, par des croisements artificiels, on a multiplié les cas d’hybridation chez les plantes, et réussi à en obtenir quelques-uns chez les animaux ; les soins continuels qu’exige la conservation des hybrides, leur habituelle stérilité, la tendance invincible qu’ils ont en tout cas à retourner au type primitif dès qu’on les abandonne à l’action des forces naturelles, — tout « confirme la loi d’infécondité entre espèces livrées à elles-mêmes, » loi qui est en opposition complète avec les théories qui tendent à confondre l’espèce et la race. Huxley l’a bien vu : il faudrait « prouver que des espèces physiologiques peuvent être produites par le croisement sélectif ; » mais cette preuve n’a pas encore été fournie. Pour admettre la transformation physiologique de la race en espèce, fait contraire à toutes nos connaissances positives, Darwin et ses disciples sont forcés de repousser les résultats séculaires de l’expérience et de l’observation et de leur substituer un accident possible et inconnu. « Mais dans quelle autre branche des connaissances humaines regarderait-on les problèmes comme résolus précisément parce qu’on ne sait rien de ce qu’il faudrait savoir pour les résoudre ? »

En réalité la théorie des transformations lentes se heurte à une impossibilité radicale, par cela même qu’elle fait commencer la nouvelle espèce par des variations très-légères et des caractères d’abord rudimentaires, s’accentuant très-lentement à chaque génération. En effet, il en résulte qu’entre tous les individus qui se succèdent il n’existe jamais que des différences de race ; et comme entre races de même espèce la fécondité reste constante, les croisements féconds en tous sens et à tous degrés confondraient constamment l’espèce souche et l’espèce dérivée tendant à se former… Le monde organique devrait présenter, selon cette hypothèse, la plus extrême confusion au lieu de l’ordre que chacun sait. — Forcés’d’admettre qu’à un moment donné une de ces races devient subitement incapable de se croiser avec celles qui l’ont précédée, Darwin et ses disciples sont absolument hors d’état de se mettre d’accord avec cette double loi de l’empire organique : la fécondité illimitée des races entre elles, et « l’infécondité qui sépare les espèces. »

À cette discussion générale sur l’origine des espèces, succède un long chapitre consacré à la question particulière de l’origine de l’homme. L’hypothèse de l’origine simienne est exposée d’abord, puis repoussée, comme contraire à la fois à l’anatomie, à la physiologie, à l’embryogénie, et, qui plus est, aux principes mêmes de la doctrine darwiniste. L’argument célèbre de Hæckel, tiré des idiots, des crétins et des microcéphales, lesquels représenteraient encore parmi nous l’état normal de nos ancêtres, est réfuté par cette remarque que