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Ce morcellement arbitraire et factice a pour conséquence une totale confusion des idées, des méthodes, des hypothèses et des vocabulaires propres aux différentes sciences.

Il est enfin une conception plus large d’après laquelle la philosophie serait, au contraire, le chef-lieu de toutes les sciences particulières, une synthèse, une généralisation des sciences. En ce sens on pourrait l’appeler la science universelle. M. Horwicz revendique plus encore : « La philosophie, dit-il, est tout ou rien : aut Cœsar aut nihil. » Voici donc la définition qu’il oppose hardiment à la précédente : « La philosophie n’est pas simplement une science à côté de sciences égales ou privilégiées : elle est la science des sciences, la reine des sciences. C’est la science des plus hautes idées, autrement dit des problèmes les plus élevés, les plus généraux, les plus importants au point de vue spéculatif, comme aussi des questions les plus décisives, les plus brûlantes au point de vue pratique. Conséquemment elle est la science la plus nécessaire, la plus indispensable, et un peuple ne saurait s’en distraire qu’au risque de mettre gravement en péril ses plus vivants intérêts. »

Cette thèse, conforme à la grande tradition philosophique, M. Horwicz la met à l’épreuve en examinant les rapports des diverses sciences entre elles et avec la philosophie ; ce n’est pas un mince mérite à coup sûr que d’avoir dégagé de ce rapprochement le sens propre et la véritable définition d’une science si diversement comprise.

Les sciences peuvent être rangées en trois ordres : 1° Le groupe des sciences naturelles : astronomie, géologie, physique, minéralogie, botanique, zoologie, anthropologie et physiologie. La mathématique, ou théorie des quantités sous la double forme de l’espace et du temps, en est la base. 2° A l’extrémité opposée, le groupe des sciences politiques : droit, statistique, économie sociale, sociologie, politique. La morale, suivant M. Horwicz, est la forme idéale et supérieure de ces sciences. 3° Entre ces deux ordres de sciences, un groupe intermédiaire, celui des sciences historiques qui étudient bien des faits naturels mais dans leurs rapports avec les sociétés humaines : géographie, histoire des États et des peuples, histoire de la civilisation, science du langage, ethnologie, histoire de l’art et de la littérature, et d’autres encore.

La première ressemblance saillante de toutes ces sciences est celle de leurs procédés. Chacune d’elles commence par une exacte description de l’objet qu’elle étudie (méthode descriptive), poursuit ses investigations en comparant et distinguant les individus observés (méthode d’induction, d’analyse), tire enfin de ces observations des lois et une théorie systématique relativement à la chose considérée (méthode de construction synthétique). Il n’est point de faits, quelle qu’en soit la nature spéciale, qui n’exigent cette suite d’épreuves pour être scientifiquement connus. Mais cette ressemblance des sciences au point de vue de la méthode n’est encore qu’extérieure : elle dénote toutefois une liaison intime au point de vue matériel. L’histoire, par exemple, qui semble au premier abord être absolument indépendante, est devenue de