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psychologie, et avec elle la philosophie, va-t-elle donc se laisser absorber par les sciences empiriques ? M. Harms le craint, et en conséquence on nous avertit qu’il s’est proposé de combattre l’empirisme contemporain, die Schrift bekämpft den Empirismus der Gegenwart. Grosse promesse, pleine d’attrait, si elle n’était un leurre. Et en effet M. Harms ne se contente pas d’ignorer ou d’omettre la psychologie anglaise contemporaine des Mill, Bain, G. Lewes, Spencer, Morell, Maudsley et autres : il passe sous silence toute l’école allemande, comme s’il n’en eût jamais entendu parler, et il s’en tient tout uniment à Kant, Schleiermacher, Fichte, Schelling et Hegel. C’est pousser un peu loin le goût de la brièveté, alors qu’il eût été facile de sacrifier les cent et quelques pages d’Einleitung où l’auteur ressasse des vérités peu nouvelles. Était-ce bien la peine de partir en guerre contre l’empirisme contemporain, de le charger de tous les péchés d’Israël, pour se dérober pareillement une fois en face de l’ennemi ? M. Harms ne nous dira sans doute pas, et ne fera croire à personne, que les conditions du débat n’ont point changé depuis un demi-siècle ; que la réfutation classique des aventureuses assertions de Gassendi, de Hobbes, de Lamettrie ou d’Holbach s’applique intégralement aux savantes doctrines des empiriques idéalistes d’Angleterre ou d’Allemagne. Il a semblé et il semble encore à divers esprits sérieux qu’il y a tout au contraire de singuliers points de contact et de rapprochement entre le criticisme kantien et l’empirisme idéaliste de notre temps. Libre à M. Harms d’avoir une tout autre opinion et de voir obstinément des antinomies, des contradictions absolues où il serait préférable de substituer des vues plus larges et compréhensives ; mais ce travail même de critique irréconciliable nous fait ici défaut.

Il suffira d’indiquer au lecteur le plan de ce livre. L’histoire de la psychologie y est divisée en quatre périodes : période grecque avec ses subdivisions, période chrétienne et du moyen âge, période cartésienne, et enfin période kantienne. Dans cette étude rétrospective elle-même, où M. Harms étale un certain luxe de noms propres, il serait trop facile de signaler encore des omissions et des lacunes. On ne nous demandera sans doute pas d’entrer dans le détail d’une fastidieuse analyse qui ne nous apprendrait rien. La partie la plus curieuse, celle qui nous fait le mieux connaître l’auteur, est la dernière^ celle qu’il consacre à « la psychologie depuis Kant ». Trois théories, suivant lui, dominent cette partie de la science philosophique : la théorie analytique des facultés et opérations dé l’âme (Kant et Schopenhauer), la théorie constructive du développement et de la vie psychique fondée sur le concept de l’âme (Fichte, Schelling, Hegel, Schopenhauer), enfin la théorie mécanique des représentations mentales (Herbart). Sur ces divers points, M. Harms est condamné à répéter des doctrines connues, trop (le fois critiquées et discutées, où la poésie tient plus de place que la saine discussion. L’Allemagne contemporaine est depuis longtemps désenchantée de ces rêveries d’il y a cinquante ans ; il eût été plus