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nolen. — les maîtres de kant

Puisque les monades sont des forces et exercent entre elles des actions réciproques, non idéales, mais réelles, comme Knutzen l’a démontré par sa théorie de l’influx physique, il suit de là qu’elles sont séparées par le vide ; autrement, elles manqueraient de la condition nécessaire pour la liberté de leurs mouvements. Les forces dont les monades sont douées ne sauraient être simplement répulsives, comme le voulait Leibniz ; elles doivent être à la fois répulsives et attractives. La répulsion seule produit non l’agrégation, mais la dispersion des éléments constitutifs des corps ; l’attraction seule, à son tour, explique l’agrégation, mais non l’extension définie, l’étendue déterminée du corps. À l’attraction doit être rapportée l’impénétrabilité. La masse du corps se mesure par la somme des énergies attractives et répulsives de ses éléments. Il n’y a plus lieu d’admettre, avec Leibniz, une force spéciale sous le nom d’inertie.

La thèse d’admission sur Les premiers principes de la connaissance métaphysique[1] ne porte pas des traces moins sensibles et moins nombreuses des idées de Newton. La distinction, soutenue avec tant d’insistance, de la raison antécédente et de la raison conséquente, ou de ratio fiendi ou cur, et de ratio cognoscendi ou quod, est signalée comme le premier effort du génie critique pour s’affranchir de la théorie purement logique de la causalité qui était en honneur chez les wolfiens. Egarés par une fausse interprétation de Leibniz, ces derniers assimilaient le rapport empirique de la cause à l’effet au rapport logique du principe à la conséquence ; et ne découvraient dans le premier comme dans le second, qu’une application du principe de contradiction, que le résultat d’une’simple opération logique. Kant, qui venait de pratiquer avec tant de succès l’induction mathématique et l’analyse expérimentale, avait pu se convaincre que la pure déduction ne résout aucun des problèmes soulevés par l’étude de la nature. Au disciple de Newton, la méthode déductive des anciens et de la scolastique ne pouvait plus paraître l’unique, disons mieux, le plus efficace instrument de la connaissance.

Kant reprend la même idée en 1763 dans l’Essai sur les grandeurs négatives. On appelle ainsi en mathématique toute quantité qui en supprime une autre, tout mouvement, toute force qui paralyse l’effet d’un mouvement, d’une force contraire. C’est ainsi que Newton, dont Crusius a si mal compris la pensée, « compare la force attractive, qui s’exerce dans l’éloignement, mais fait place insensiblement à la force répulsive, dès que les corps se rapprochent davantage, aux séries des nombres, dans lesquelles les grandeurs négatives commencent,

  1. T. I, p. 372.