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carrau. — le dualisme de stuart mill

lui-même effet relativement à un événement antérieur ; et ainsi le caractère de la cause, éliminé successivement de tous les termes de la série régressive, ne peut se retrouver que dans un terme absolument premier, antécédent, suprême et éternel, de qui tous les autres empruntent la causalité que nous leur attribuons à l’égard de leurs conséquents respectifs.

On insiste et on soutient que le principe de causalité n’est en lui-même qu’un jugement analytique qui ne nous apprend rien. La tautologie serait manifeste si l’on employait la formule aujourd’hui décriée : « Tout effet a une cause ; » mais, quelque énoncé que l’on donne du principe, pour être moins évidente peut-être, elle n’existe pas moins. Le principe de causalité est essentiellement l’expression d’un rapport nécessaire entre un phénomène ou changement considéré comme conséquent et d’autres changements ou phénomènes qui sont regardés comme les antécédents constants de celui-ci. Mais qui ne voit que les mots antécédents et conséquent sont corrélatifs et que l’une de ces idées contient et pour ainsi dire répète l’autre ? Le principe de causalité revient ainsi à cette vaine proposition : ce qui suit est nécessairement précédé, ou ce qui précède est nécessairement suivi. — Il y a plus : la cause et l’effet, l’antécédent et le conséquent, sont rigoureusement identiques et simultanés. Selon l’aphorisme de M. Lewes, la cause est son effet. Ce que j’entends par cause, c’est l’ensemble des conditions suffisantes pour que l’effet se produise ; mais ces conditions données, l’effet, par cela même, est produit, ou plutôt ces conditions sont l’effet ; elles ne sauraient exister avant lui, puisqu’alors l’effet qui se produirait ultérieurement serait sans cause, et la production de ces conditions, c’est la production même de l’effet. Ce qui nous trompe, c’est que nous prenons souvent pour cause ce qui véritablement n’est pas cause. Nous isolons arbitrairement un ou plusieurs des antécédents, pour les substituer à la somme de tous ceux sans lesquels l’effet ne se produirait pas. Nous disons, par exemple, qu’une étincelle, tombant dans une poudrière, a causé la mort de cinquante personnes : certes, il n’y a ni ressemblance ni équivalence entre cette cause et cet effet. « Mais, en réalité, l’étincelle n’est ici que le premier anneau d’une série de conditions, et son effet est limité à la transmission de son agitation moléculaire à un petit nombre de grains de poudre ; ceux-ci transmettent leur agitation à la masse ; l’expansion des gaz produit la destruction de la poudrière, etc. » Il est clair que l’explosion de la poudrière n’est pas l’effet de l’étincelle prise en soi ; celle-ci n’est qu’un élément dans une série assez compliquée de facteurs dont l’explosion est la résultante. Il est clair aussi que, d’un antécédent