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baudouin. — histoire critique de jules césar vanini

du comte de Lémos… Il a un frère à Rome qui est un favori de l’ambassadeur… il faudra examiner cette affaire.

À côté de ce patronage illustre, Vanini en affiche un autre qui, pour être plus modeste, lui était peut-être plus immédiatement utile. Suivant un usage déjà bien ancien dans le monde des lettres, ses amis s’étaient chargés de parer sa gloire et avaient suspendu au portique de l’Amphithéâtre des guirlandes de vers latins. L’un ne veut plus qu’on lui parle des monuments des Sept Collines : l’univers contemple un nouvel amphithéâtre à la fois plus noble et plus beau ! — Si César vivait de notre temps, dit un autre, voici qui lui apprendrait à vaincre. — Quel est, je vous prie, s’écrie un troisième, le plus grand des deux Césars, celui qui vainquit Pompée par la force des armes, ou celui qui vient de vaincre Aristote par la force de son génie ? — Or l’auteur de cette question osée n’était rien moins que premier médecin de Louis XIII. II se nommait Jean Gontier, C’était peut-être un homonyme, mais l’importance de sa charge m’incline plutôt à croire que c’était un frère ou tout au moins un parent de ce prédicateur jésuite, le P. Gontier, dont le zèle téméraire et l’intempérance de langue excitèrent plus d’une fois la colère de Henri IV.

On se rappelle que pendant son premier séjour à Paris, l’apologiste du concile de Trente fréquentait volontiers, ou pour mieux dire, recherchait les médecins. Il est tout naturel qu’il se soit lié de préférence avec celui-là qui était un personnage, et que peut-être une affinité prochaine unissait à la camarilla, dont le nonce Ubaldini s’était fait l’inspirateur. À la place où il se trouve, le nom de Jean Gontier prouve que si, après sa fuite en Angleterre, Vanini s’était laissé oublier de ceux qu’il avait connus à Paris, il avait pris soin de renouer avec eux durant son séjour à Lyon ; qu’il avait des intelligences dans le Louvre, et qu’il était à même d’être bien informé des événements qui pouvaient contrarier ou favoriser son retour.

Selon les calculs les plus probables, Vanini demeura près de six mois à Lyon, non pas toutefois d’une manière continue, car il alla de là à Genève, où même il fit rencontre d’un Flamand sans préjugés auquel il prête ce propos dans ses Dialogues : que les lois interdisent les mariages entre parents, de peur que les conjoints n’y trouvent trop de douceur et ne veuillent plus s’occuper à autre chose[1]. — Les mesures qu’il avait à prendre le retinrent sans doute sur les bords du Rhône ; mais je crois bien aussi qu’il ne s’y déplaisait pas. N’ayant pas à se contraindre comme à Gènes, il avait rendu la bride à son esprit ; il était philosophe tout à son aise. Lyon était alors ce

  1. De arcan., p. 326.