Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VIII.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
196
revue philosophique

fier que c’est par pure illusion que le théologien rapporte à une révélation extérieure l’objet « donné » de ses travaux ; autrement, on ne comprendrait pas que ce « contenu » ne se trouvât pas en désaccord avec la raison. Ne convient-il donc pas de dégager la pensée de Baur de sa forme enchevêtrée et de dire : La philosophie et la théologie diffèrent entre elles en ce sens, que la première se propose de se rendre compte de l’ensemble de l’univers par l’emploi rationnel des moyens de connaissance que l’homme sent à sa portée, tandis que la seconde travaille à mettre en relation un élément religieux donné avec les résultats de la philosophie ? Pour le théologien chrétien, l’élément religieux qu’il s’agit d’accorder avec les résultats de la recherche purement rationnelle, dont il faut justifier et expliquer la place dans l’univers, est ce fait de l’Évangile ou de la « Rédemption par Jésus-Christ, » comme nous le disions plus haut. Nous y reviendrons tout à l’heure ; mais nous pouvons constater que la philosophie a cessé d’être ici cette modeste collaboratrice de la théologie, cette ancilla theologiæ, cette humble expression de la lumière naturelle, que voulaient saint Thomas d’Aquin et Descartes lui aussi, si l’on prend au sérieux quelques-unes de ses assertions.


II


Si nous en croyons M. Astié, ce départ si souhaitable entre l’élément religieux tel que nous l’avons défini, et l’élément théologique, ne serait pas loin d’avoir été réalisé dans un pays voisin et qui parle notre langue. C’est l’Église libre du pays de Vaud, déjà recommandée à l’attention du public par le nom d’un penseur éminent, quoique subtil, d’Alexandre Vinet, qui nous en offrirait le salutaire exemple. Et à cette occasion le nom de Vinet venait tout à fait à propos ; c’est lui en effet qui a le plus fait contre le dogmatisme de la vieille école et l’importance suprême accordée aux preuves externes, miracles et prophéties. Non qu’il ne crût encore aux uns ou aux autres ; mais il avait compris admirablement que la seule manière de recommander le christianisme aux hommes du xixe siècle était de leur montrer la singulière affinité de l’Évangile avec les besoins et les désirs les plus élevés de l’âme, au lieu de le leur imposer par autorité, au nom de la brutale perturbation de l’ordre matériel. M. Astié est depuis trente ans le successeur le plus autorisé de Vinet et son disciple le plus authentique ; si donc l’effort tenté par celui-ci pour séparer l’élément positivement religieux de son enveloppe dogmatique a pu aboutir en quelque manière sur le terrain d’une des églises vaudoises, le mérite en revient en une grande mesure à l’intrépide et fécond propagateur de ses idées.

Dans son étude sur la situation théologique dans l’Église libre du canton de Vaud, M. Astié retrace les destinées d’une association religieuse qui date aujourd’hui de quarante ans. Les circonstances politi-