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hartmann. — la philosophie religieuse

religieuse, parce que celle-ci s’imagine qu’elle a introduit ces contradictions dans ses dogmes, regardés jusque-là comme ne renfermant aucune contradiction. Mais, comme ces contradictions ne pouvaient pas rester toujours cachées quand le niveau intellectuel s’est élevé, comme en outre la conscience religieuse est destinée, ainsi que toutes les autres branches de la vie intellectuelle, à s’élever progressivement ; la raison, qui décompose les fondements existants de la représentation, est en réalité le plus grand soutien de la conscience religieuse, puisqu’elle la force dans l’intérêt de sa propre conservation à débarrasser toujours davantage le contenu intellectuel des idées religieuses de la forme sensible qui n’est point en rapport avec elles. Il est évident que ce processus donne lieu à des luttes et à des crises. Comme la connaissance de l’impossibilité de maintenir l’ancien édifice éveille le besoin d’une réédification nouvelle, la conscience religieuse se voit nécessairement pendant quelque temps dans une situation embarrassante, avant qu’elle trouve sa satisfaction dans un édifice construit sur de nouvelles bases.

Le premier subterfuge auquel la conscience religieuse a recours pour se défendre des attaques portées par la critique contre les représentations qui lui servent de base, c’est de séparer son domaine de celui de la connaissance rationnelle et de déclarer qu’ils sont indépendants l’un de l’autre, de sorte qu’ils peuvent être en lutte sans cependant s’entre-détruire. Cet expédient a déjà été mis en usage à la fin du moyen âge, sous l’appellation de « la doctrine de la double vérité », et aujourd’hui il est employé dans le néokantisme. Il est trop naïf pour qu’on le combatte sérieusement, et il porte trop fortement imprimée au front la marque de subterfuge pour qu’il puisse jamais jouir longtemps d’une autorité quelconque. Pfleiderer, se fondant sur des considérations historiques, appelle cette doctrine « la feuille de vigne d’un scepticisme honteux, peut-être encore à moitié inconscient. » Elle ne peut être une position tenable ; elle est seulement le symptôme d’une période de transition entre un ancien système en voie de décomposition, mais encore capable de résistance, et un système nouveau en voie de formation, mais qui n’est ni assez net ni assez solide pour se séparer définitivement de l’ancien.

Comme seconde tentative de maintenir le dogme malgré des contradictions manifestes, nous avons le supra-naturalisme, ou la doctrine d’après laquelle le dogme n’est jamais contraire à la raison, mais au-dessus de la raison. Ce point de vue, soutenu particulièrement par l’école de Leibnitz et de Wolf, est insoutenable, parce que ses défenseurs sont dans la nécessité de montrer par des motifs