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VIII. Mais, quelque loin qu’on pousse la méthode des convergences, des moyens termes, des équivalents et des limites, pour rapprocher peu à peu les systèmes, il restera dans la métaphysique, sur plusieurs points essentiels, une divergence possible de la pensée. En effet, la métaphysique spécule sur l’absolu, c’est-à-dire sur ce qui est inaccessible en soi et directement ; elle ne peut donc manquer, après tous ses efforts, d’amener l’esprit devant un abîme obscur et insondable. En d’autres termes, plusieurs hypothèses demeureront possibles sur le fond dernier des choses, plusieurs chemins s’ouvriront à la pensée ; est-ce à dire que celle-ci doive demeurer finalement en suspens, dans un complet équilibre analogue à la suspension de jugement ou ἐποχή des Pyrrhoniens ? — Rien ne le prouve. Des hypothèses incertaines peuvent ne pas être également probables ; même en l’absence de toute vérification directe, elles peuvent ne pas avoir la même valeur logique, esthétique et morale. De là la nécessité d’introduire dans la philosophie une certaine appréciation des probabilités[1]. Ce dernier procédé de la méthode touche aux procédés de vérification. Nous en renvoyons l’examen et les règles particulières à une étude ultérieure sur les moyens dont la philosophie dispose pour vérifier la valeur objective de ses constructions d’abord subjectives. Nous n’avons voulu aujourd’hui décrire que la méthode même de construction.

En résumé, la synthèse des doctrines met en œuvre les procédés suivants : 1° déterminer dans les doctrines les parties neutres ou indépendantes de tout système particulier et les parties communes aux divers systèmes ; 2° rectifier et compléter les parties spéciales à chaque système ; 3° analyser les principes des systèmes particuliers et dégager le positif du négatif ; 4° pour réaliser l’idéal de la synthèse la plus large possible en extension et en compréhension, rechercher les convergences des systèmes ; 5° intercaler des moyens termes ; 6° déterminer les équivalents psychiques ou physiques des objets qu’on ne peut atteindre directement ; 7° passer par induction à la limite, s’il y a lieu ; 8° en cas de divergence finale et irréductible, classer les dernières hypothèses qui restent en présence selon leur degré de probabilité.

III. — Réponse aux objections concernant la méthode.

« Je me plais extrêmement, disait Leibniz, aux objections des personnes habiles et modérées, car je sens que cela me donne de nouvelles forces, comme dans la fable d’Antée terrassé. » Si un Leibniz

  1. Voir notre Philosophie de Socrate, tome II, Conclusion.