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dans son essai « sur l’origine et l’essence de la religion » (Ueber Ursprung und Wesen der Religion), ont analysé les processus psychologiques, qui donnent naissance à la foi aux dieux, aux êtres surnaturels. Mais les dogmes, la croyance aux dieux ne sont ni les seuls ni même les plus importants éléments de la religion. Biedermann, dans sa Dogmatique chrétienne (Christliche Dogmatik, Zurich, 1869), paraît avoir mieux saisi et analysé la véritable essence de la religion. Il s’appuie sans doute sur Hegel, mais va beaucoup plus loin. Comme son maître, il met très bien en lumière le sens historique et la spontanéité de la religion. Mais, tandis que Hegel procède à priori, Biedermann veut partir des faits. Biedermann a tort néanmoins de ne voir dans la religion qu’un fait psychologique, par suite subjectif, individuel. La religion est, au contraire, une puissance qui domine le sujet ; c’est ainsi qu’elle nous est donnée par l’histoire. Ainsi entendue, la religion s’incorpore nécessairement dans l’Église. Qu’on n’objecte pas que la puissance de l’Église semble s’amoindrir tous les jours : elle gagne en profondeur ce qu’elle perd en étendue. « D’après toutes les analogies du passé, il ne paraît pas vraisemblable que l’Eglise puisse jamais disparaître de la vie humaine. » C’est donc l’essence de l’Église, ses formes, son développement, qui sont l’objet propre de la philosophie de la religion. — L’essence de l’Église, c’est d’être une des formes de la vie morale. Elle est un des degrés, comme l’État, la famille, l’école, que doit traverser la volonté pour arriver à la perfection rationnelle. « L’Église est l’organisme de la moralité parfaite » (der Organismus der Sittlichkeit). Et l’histoire prouve que la fin suprême de l’Église et de la Religion est bien de produire dans les consciences individuelles l’accord intime avec la raison universelle, avec la volonté divine. L’homme conçoit des dieux, parce qu’il a besoin d’imaginer des êtres en qui cette perfection de la volonté soit réalisée. Comme la volonté ne peut se séparer du sentiment et de la représentation, on comprend que dans la religion la poésie et la science aient leur place. Selon que la conscience morale est plus ou moins éclairée, les dogmes et les institutions religieuses sont plus ou moins purs. Le rôle du philosophe en regard de la religion, c’est de la comprendre, de l’expliquer, non seulement dans ses principes essentiels, mais, ce qui est plus difficile, dans ses formes particulières. Le matérialisme est incapable de cette double tâche.

Freudenthal : Une lettre inédite de Kant, et un écrit perdu de ce philosophe contre Hamann.

L’auteur a reçu du professeur Hagen, de Cambridge, dans l’Amérique du Nord, copie d’une lettre inédite que Kant adressait en 1800 à son ami le professeur Hagen. Outre que cette lettre vient grossir d’une façon inespérée le nombre trop restreint des lettres connues du grand philosophe, elle nous le montre, à l’âge de soixante-seize ans, toujours aussi curieux que dans ses jeunes années des découvertes de la physique, et faisant effort pour comprendre les récents travaux de Rumford. Le professeur Hagen, de Cambridge, annonce en même temps