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que l’action centrifuge se traduit par quelques modifications, ou que sa suppression supposée n’est qu’un retard.

Enfin il y a des cas où le deuxième moment semble se produire seul, sans antécédents ni conséquents (réflexion, méditation, raisonnement abstrait). L’étude de ce troisième cas suppose l’examen préliminaire des deux autres et trouverait en eux sa solution.

Si, de cette étude faite en détail, avec les données que la psychologie et la physiologie fournissent actuellement, on pouvait conclure, comme cela est probable, que tout état de conscience, quel qu’il soit, tend à produire des mouvements, en raison directe de son intensité, et inversement que tout état de conscience, quel qu’il soit, perd de son intensité en raison directe du mouvement qu’il produit, on serait ainsi conduit à quelques vues générales sur le mécanisme de la conscience.

Pour le moment, ce qui ressort des considérations précédentes, c’est que le mouvement et la sensation sont l’étoffe dont la vie mentale est faite. Cette thèse correspond en psychologie à celle que Laycock et Carpenter ont soutenue les premiers en physiologie et qui a été exprimée sous cette forme : « Les hémisphères cérébraux consistent en arrangements nerveux propres à coordonner les impressions et les mouvements ; en d’autres termes, l’unité de composition de ce centre nerveux est sensori-motrice, et le substratum de toute activité mentale, ce sont les processus sensori-moteurs. » Leur doctrine ne s’est pas imposée d’emblée ; il s’est écoulé des années avant qu’on en ait vu la portée et déduit les conséquences. Même aujourd’hui, beaucoup de physiologistes semblent admettre implicitement que le substratum de « l’âme » se compose simplement des nerfs afférents avec leurs centres. Il n’est donc pas étonnant que la même conception domine dans la psychologie courante.

Le rôle des mouvements est cependant trop important pour avoir été totalement méconnu. La doctrine de la « faculté motrice », soutenue principalement chez nous par Garnier et M. Bouillier, est, si je la comprends bien, une revendication en faveur du groupe oublié des phénomènes moteurs. Le caractère de haute généralité que ces auteurs attribuent à leur faculté montre qu’ils en ont bien vu toute l’importance. Mais leur défiance à l’égard de la physiologie et leur méthode métaphysique les a conduits à supposer une « faculté de l’âme », c’est-à-dire une entité, là où il n’y a qu’une loi générale de l’activité nerveuse. Actuellement, que l’hypothèse des facultés est délaissée, et qu’en psychologie l’étude des faits et de leurs rapports tend à prévaloir, la question doit être prise d’une autre manière. Elle offre une ample matière aux recherches : les remarques qui précèdent n’ont d’autre prétention que de les susciter.

Th. Ribot.