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tombée en désuétude, dès le milieu du xvie siècle et peut-être plus tôt[1] ; mais elle se maintenait à Toulouse, où l’on faisait un étrange abus des armes spirituelles. « Chose grandement déplorable ! s’écrie un praticien du temps, pour une écuelle perdue, pour une dette de cent soûls ou pour une injure légère, on envoyé les âmes en perdition[2] ! » C’était ce qu’on appelait la procédure par monitoire. Elle était de style au Parlement de Toulouse en matière de foi[3]. Si l’on découvre jamais les pièces du procès de Vanini, nul doute qu’on n’y retrouve les chefs de monitoire que tous les curés du diocèse durent lire au prône, trois dimanches de suite, « contre toute personne, de quelqu’état et condition qu’il soit, qui sçauroit de certaine science pour l’avoir veu, ouy dire, ou autrement, que certain personnage (il était défendu de produire des noms) auroit faict ou dit… » tout ce qui était consigné dans l’enquête, article par article.

Grâce à la clause finale « qu’ayent à le révéler sur peine d’excommunication », ceux qu’on avait déjà entendus secrètement purent aller renouveler leurs dépositions au greffe de l’officialité ; mais, encore une fois, il est certain que l’on n’obtint rien de plus.

Après un appel si pressant et si solennel, le manque de témoins directs était un argument bien fort en faveur de Pompeïo. Aurait-il été injustement accusé ? Etait-il l’objet et la victime d’une vengeance atroce ? Fallait-il croire, ce que quelques-uns murmuraient tout bas, qu’une affaire de galanterie et l’intrigue d’un président, son rival rebuté, avaient été l’occasion et la cause première de son malheur[4] ? Ce bruit ne fut-il qu’une fable, le commissaire était bien forcé de s’avouer que les imputations de l’enquête étaient démenties par ce que tout le monde avait pu voir de la vie du prévenu. Personne ne pouvait prétendre qu’il eût manqué à ses devoirs religieux : sa conduite à cet égard était sans reproche, mieux que sans reproche, exemplaire. Il allait régulièrement à la messe ; il se confessait souvent; il ne manquait pas un sermon. Combien de fois, s’écrie Garasse, n’a-t-il pas été chez nos Pères pour leur soumettre des cas de conscience[5] ! Et n’était-ce pas chose connue qu’il aimait à parler théologie ? À l’abri de ces faits patents, dont ses plus ardents adversaires ne lui déniaient pas le bénéfice, Pompeïo n’avait pas de

  1. Histoire manuscrite du Parlement de Toulouse, déjà citée.
  2. Gabriel Cayron, Style de la cour du Parlement de Toulouse, édition de 1612 (très-rare), p. 184 ; aux archives de la Haute-Garonne.
  3. Ibidem, p. 185.
  4. Histoire manuscrite du Parlement de Toulouse, par le P. Lombard, S. J., sous l’année 1619. (Bibliothèque nationale, Manuscrits français, No 8660.)
  5. Le P. Garasse, Doctrine curieuse, p. 973.