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baudouin. — histoire critique de jules césar vanini

rassuraient, celle du président de Bertier, par exemple, et d’autres encore, car tous les juges n’étaient pas décidés à le condamner.

Après les premières questions, discutant, écartant les témoignages dont on l’assaillait, Vanini finit par laisser là les Francon et les Baro, comme il disait, pour ne s’attaquer, par un élan d’éloquence, qu’aux chefs mêmes de l’accusation. Donc[1], on l’accusait d’impiété et d’athéisme. On niait qu’il reconnût la providence et la nécessité d’un premier principe ! Mais est-ce que les yeux sont libres de ne pas voir ! est-ce que la notion d’un Dieu protecteur et conservateur ne s’impose pas à la conscience ? Tout, dans la nature, en prépare, en justifie la croyance. Et tenez ! — une paille brillait à ses pieds, soit qu’elle tût là par hasard, soit plutôt qu’il l’y eût jetée lui-même pour se ménager un effet oratoire, — cette paille, — et il la ramassait, — cette paille, — et il la montrait à la cour, — écoutez, elle enseigne,’ elle proclame la Providence ! Car il faut que l’homme vive de pain, et comment vivra-t-il si le blé lui manque ? Mais il ne lui manquera jamais : la sagesse divine y a pourvu. Et alors, dans une langue abondante et pure, avec un rare bonheur d’expression, il faisait l’histoire de la plante, de ce qui la fait croître, de ce qui la préserve et de ce qui la perpétue. Cette démonstration si vive, avec ce qu’il ajouta pour prouver l’existence d’une cause première, paraît avoir fait sur les juges l’impression la plus profonde. Elle devint célèbre en dehors du palais. Barthélémy de Gramond, qui l’avait entendue, s’est plu à la reproduire. Aujourd’hui encore, les quelques prêtres du diocèse de Toulouse qui ont de la littérature ne se défendent pas de l’admirer. Mais les préventions qu’elle avait ébranlées se rassirent en peu de temps. Faut-il croire que l’exposé du rapporteur y fût pour quelque chose ? — Esprit exact et sagace, Guillaume Catel, ce rapporteur[2], est le premier qui ait porté la critique dans l’étude des origines de Toulouse. Son Histoire des Comtes, ses Mémoires de Languedoc sont des monuments remarquables de l’érudition provinciale du xviiie siècle. Rien dans le procès ne dut lui échapper de ce qui pouvait fortifier les méfiances, confirmer les soupçons. Mais son rapport est perdu, et il n’est pas permis de le refaire, quand même on croirait être sûr d’en avoir retrouvé la substance et l’économie. L’annaliste Lafaille, qui a composé l’inscription placée au-dessous de son buste dans la salle des Illustres, à l’hôtel de ville, n’a déjà que trop exagéré la puissance de sa dialectique. Au moment où Lafaille écrivait, vers 1675, c’était un honneur pour le Parle-

  1. Barthélémy de Gramond, Histor., p. 208-210.
  2. Archives de la Haute-Garonne, B, 352, p. 153 bis, arrêt contre Pompeïo Usiglio, et Annales manuscrites de l’hôtel de ville, fol. 13 et 14.