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DU PRETENDU

SCEPTICISME DE HUME


I

Loin de s’éteindre, l’influence philosophique de Hume ne fait que s’accroître, et ces dernières années ont vu une sorte de renaissance de sa philosophie. De divers côtés, en France, en Angleterre, des traductions ou des études critiques témoignent du crédit grandissant d’un penseur dont on a cru trop souvent avoir raison, en lui infligeant sans ménagement l’épithète de sceptique et même de nihiliste. On commence à reconnaître que sa philosophie n’est pas faite que de négations, négations d’ailleurs suggestives et fécondes et qui ont provoqué chez ses contradicteurs, chez Kant avant tous les autres, de grandes nouveautés dogmatiques. Elle contient elle-même un dogmatisme particulier et original qui ne saurait être confondu avec le scepticisme vulgaire, et qui nous apparaît de plus en plus comme la clef d’un grand nombre de doctrines contemporaines. La philosophie de Hume n’est pas seulement un accident, une curiosité dans l’histoire de la pensée : elle en est un élément essentiel ; elle représente un de ces moments décisifs, une de ces crises où se dénouent en partie les difficultés philosophiques et où se prépare l’évolution qui conduit peu à peu la pensée à se rendre compte d’elle-même.

C’est la conscience de ce rôle éminent de Hume qui déterminait récemment M. Renouvier et son infatigable collaborateur M. Pillon à donner la première traduction française d’une partie du Traité de la nature humaine, l’œuvre la plus dogmatique de Hume, la seule qu’il ait intitulée Traité, tandis que pour ses autres ouvrages il a préféré le titre plus modeste d’Essais ou de Recherche(Inquiry[1]). Les traducteurs français se sont d’ailleurs bornés à publier la première

  1. Le titre définitif de ce que l’on continue à appeler les Essais philosophiques de Hume est : An Inquiry concerning the human understanding.