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liard. — théorie de la science et de l’induction

clare « que la découverte dans les autres sciences de causes et de forces aussi certaines et aussi claires que la gravitation universelle y serait un progrès considérable sur la découverte des lois », il dit vrai, en ce sens que des lois données seraient ramenées à des lois plus générales et plus simples ; mais, au fond, il est dupe des mots ; ces causes prétendues seraient encore des lois.

Mais, par causes des phénomènes, il n’entend pas seulement les forces mécaniques comparables à la gravitation universelle. « La découverte des causes des phénomènes peut impliquer, dit-il, la découverte d’un fluide dont les ondulations ou les autres opérations expliquent les effets. C’est ainsi que sont produits par l’air les phénomènes d’acoustique ; et, pour ce qui concerne la lumière, la chaleur, le magnétisme et les autres phénomènes, même si nous rejetons toutes les théories semblables qui ont été jusqu’ici proposées, nous ne pouvons nier que de telles théories ne soient intelligibles et possibles… Il y a plus : non seulement nous devons, en nous efforçant de constituer dans chaque science des phénomènes une section des causes, considérer les fluides et leurs différents modes d’action comme aussi bien admissibles que les centres des forces mécaniques, mais nous devons être préparés, s’il est nécessaire, à considérer les forces ou les puissances auxquelles nous rapportons les phénomènes, sous un aspect encore plus général et comme investies de caractères différents de ceux de leur mécanisme. Par exemple, les forces qui lient ensemble les éléments chimiques des corps et d’où dérivent la texture sensible de ces corps, leur forme cristalline, leur composition chimique, sont certainement des forces d’une nature tout à fait différente de la pure attraction de la matière suivant le rapport des masses. Les puissances d’assimilation et de reproduction dans les plantes et dans les animaux sont certainement encore plus éloignées du pur mécanisme ; elles n’en sont pas moins réelles et dignes de l’investigation scientifique. En fait, ces forces mécaniques, chimiques et vitales, à mesure que nous avançons de l’une à l’autre, nous révèlent des caractères nouveaux. »

Je ne sais si Whewell écrirait aujourd’hui la page qu’on vient de lire. Les récents progrès des sciences de la nature, et en particulier la théorie mécanique de la chaleur, eussent peut-être ébranlé en lui cette conviction, qu’aller des faits aux causes, des phénomènes aux forces est autre chose qu’une explication verbale. Que savons-nous en effet de ces prétendues causes, imaginées par une analogie plus ou moins lointaine avec ce que nous sentons en nous-même ? Rien directement et par intuition. Whewell ne le conteste pas, puisqu’il veut les atteindre par induction. Mais, ou bien ce sont des inconnues,