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de l’action de ces forces et modifient en conséquence l’énoncé des quatre théorèmes généraux de la dynamique.

Mettons le dernier de ces théorèmes à part : les trois premiers ne peuvent plus subsister rigoureusement dès que l’on admet le moindre clinamen dans la direction des forces, et cependant on les a toujours sans difficulté regardés comme universellement applicables, aux êtres animés aussi bien qu’aux corps bruts. Pour ne considérer que la plus saisissante de ces applications, ils conduisent à affirmer que, quels que soient les efforts de la fourmilière qui s’agite à la surface de notre globe, ils n’influeront jamais en rien sur le mouvement de son centre de gravité, ils n’entraîneront jamais un changement de la durée du jour sidéral. Est-il donc nécessaire de s’inscrire en faux contre ces propositions ? Est-ce là l’idée que l’on se fait de la liberté humaine ?

Evidemment non ; il est donc plus prudent de s’en tenir à la seconde hypothèse, celle de forces intérieures, soumises à la loi de l’action et de la réaction, mais variant avec le temps ; elle n’entraîne nullement les mêmes conséquences, et il est parfaitement loisible de l’adopter. Toutefois la formule de la conservation de l’énergie, telle que nous l’avons précisée, ne cadre plus avec cette hypothèse.

Les conséquences de celle-ci n’ont pas besoin d’être examinées pour l’ensemble du monde, d’autant qu’alors la formule relative à l’énergie n’a plus de sens précis, si l’univers est infini ; il suffit de les considérer sur l’être supposé libre. La question se pose alors ainsi : L’homme, par l’exercice de sa volonté, peut-il, à un moment donné, créer ou annuler de la force vive ? Des expériences connues ont prouvé que sa faculté à cet égard est relativement très restreinte ; mais les incertitudes des observations sont nécessairement telles, pour un problème de ce genre, qu’on ne peut aucunement en induire qu’elle soit absolument nulle.

Si d’ailleurs on voulait, avec M. Naville, conserver la proposition de la conservation de l’énergie dans un système isolé, il n’y aurait, en traduisant rigoureusement ses hypothèses qu’à diviser l’énergie totale en trois parties : 1o la force vive actuelle ; 2o l’énergie potentielle mathématique, soumise au jeu des forces variant avec la seule distance, et telle que nous l’avons définie ; 3o une seconde énergie potentielle à la disposition des êtres libres, jusqu’à un certain maximum déterminé pour chacun d’eux. Seulement être obligé d’introduire ce troisième terme pour affirmer que l’énergie totale est constante, revient à convenir qu’elle ne l’est pas, en remarquant simplement qu’elle ne varie qu’entre certaines limites, ce qui paraît conforme à l’expérience.