Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VIII.djvu/608

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
602
revue philosophique

pareils : il y a là une sympathie immédiate de forces et de goûts, une gaieté plus appropriée et plus franche, et sous le rapport du plaisir, comme pour l’éducation des instincts sociaux, l’enfant ne peut qu’y gagner.

Lorsque déjà l’enfant marche, les jeux préférables sont toujours ceux qui nécessitent un déploiement varié des forces musculaires : courir, sauter, crier, exercices de jet et de traction. Il est même possible et utile, comme je le dirai ailleurs, de le soumettre chaque jour à de courts exercices de gymnastique bien adaptés à la mesure de ses forces et de son adresse.

Parlons un peu des jouets, qui tiennent une si large place dans le cœur et dans les habitudes de l’enfant civilisé. J’avouerai qu’à cet égard il me parait beaucoup moins bien partagé que l’animal. Ainsi un jeune chien, un jeune chat, ne sont pas bien exigeants en fait de jouets : un chiffon, une boule de papier, un bouchon, une patte de lapin, servent pendant plusieurs mois, et quotidiennement, d’objets récréatifs à ces animaux. La vue seule de ces objets leur cause une joie folle : ils les saisissent à pleine gueule, les secouent, les jettent, les reprennent ; ils les font glisser, rouler ou sauter avec leurs pattes ; ils s’aplatissent devant eux, se couchent, se pelotonnent, se tournent et retournent sur eux ; ils les apportent (tous mes chats ont cette habitude) pour qu’on les lance au loin, fondent sur eux et les saisissent au vol : perdus, ils les cherchent avec sollicitude, jusque dans des cachettes impossibles, en un mot, s’intéressent à eux, s’égayent par eux, et par eux exercent leurs muscles de mille manières.

De même, quelques jouets pourraient suffire à l’enfant : tout ce qui est à portée de sa main et de sa bouche lui sert à jouer. Et, comme il doit s’instruire en s’amusant, des jouets peu nombreux, assez mais pas trop variés, faciles à manier, et difficiles à détruire, me paraissent être tout ce que réclame la superficielle gaieté du premier âge. Je proscrirais sans pitié toutes ces luxueuses représentations d’objets hideux ou ridicules, qui ne peuvent que développer les germes innés de la sottise humaine et contrarier le développement de nos tendances esthétiques. Surtout pas de jouets façonnés en représentation d’animaux domestiques : l’enfant ne doit pas s’habituer à jouer avec les animaux comme avec des figures en bois et en carton ; il ne doit pas battre, même pour rire, même par feinte, même en peinture, un cheval, un chien, un chat, une vache, un mouton, une poule, un canard, un oiseau ; il ne doit pas même caresser et embrasser, interpeller, des objets inanimés, comme il ferait des animaux réels. Quant aux sabres, aux tambours, aux