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nerveux comme phénomènes de conscience ; ce n’est à ses yeux qu’une étude préparatoire à la psychologie. Au lieu d’entendre par « psychologique » l’aspect subjectif d’un processus qui objectivement est physiologique, il raffine sur le mol. « Dans une proposition psychologique, dit-il, un rapport externe se joint au rapport interne comme objet coessentiel de la pensée… La chose considérée n’est plus la connexion entre les phénomènes internes, ce n’est plus la connexion entre les phénomènes externes ; mais c’est la connexion entre ces deux connexions. » La critique de Lewes est loin de manquer de force. Quand on a admis, comme Spencer, que le processus nerveux et le processus sentant sont deux aspects d’un même fait, on n’est plus libre de séparer (autrement que par un artifice d’analyse) les faits de conscience de leurs conditions organiques. Si l’on dit qu’il est impossible de comprendre comment les deux sont relationnés ensemble, c’est qu’on revient à la conception vulgaire d’un phénomène qui serait quelque chose, ses conditions à part, au lieu d’être la synthèse ou la fonction de celles-ci. Une fois supposé en effet que tout changement dans la conscience vient à la suite de son processus organique, comme l’explosion suit l’étincelle, alors la transsubstantiation de cet état organique en état de conscience devient en effet un mystère impénétrable. La thèse positive du double aspect des phénomènes, sans dissiper le mystère des deux natures, a du moins le mérite de ne pas compliquer les faits d’expérience d’hypothèses métaphysiques.

« Une proposition psychologique, dit encore Spencer, est composée nécessairement de deux propositions dont l’une concerne le sujet et l’autre l’objet. » Mais toute proposition en est là, remarque Lewes, même celles de la biologie, s’il est vrai que « la vie de chaque organisme est une adaptation continue de ses actions internes aux actions externes ». Ce que Spencer expose sous le nom d’æstho-physiologie n’est pas autre chose que « la physiologie de l’organisme sentant, laquelle, sous son aspect subjectif, est la classification des faits de sensibilité (sentience) ; et si les faits de conscience ne peuvent être compris parmi les lois générales de la sensibilité, — une pareille exclusion n’étant rien moins, selon moi, que la condamnation de la psychologie comme science, — alors effectivement la physiologie de l’organisme sentant ne sera qu’une préparation à la psychologie, et celle-ci pourra se dire distincte de la biologie, n’étant plus la science des fonctions de l’organisme. »

Une distinction « beaucoup plus radicale », d’après Spencer, est celle-ci : « … Sous son aspect subjectif, la psychologie est une science complètement unique, indépendante de toutes les autres sciences, quelles qu’elles soient, et qui s’oppose à elles comme une antithèse. Les pensées et sentiments qui constituent une conscience, et qui sont absolument inaccessibles à tout autre que le possesseur de cette conscience, forment une existence qui ne peut être placée parmi les