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entier concourt à l’accomplissement de chacune d’elles, comme il contribue aux faits de sensation, d’émotion et de pensée. Borné à l’introspection, le psychologiste conclurait aussi raisonnablement que la sensation la perception, l’émotion, la volition sont les produits indépendants d’agents différents ; et finalement, forcé de trouver un lien commun à ces divers phénomènes, il imaginerait un principe psychique. La psychologie physiologique, qui cherche dans l’organisme les conditions élémentaires de l’activité mentale, dissipe heureusement ces fantômes métaphysiques (§ 86).

Pourtant Lewes se défie des affirmations aventureuses des nos névrologistes. Ce ne sont en général que des hypothèses provisoires, qu’on ne doit accepter que sous bénéfice d’inventaire. « La plupart du temps, ce qui passe pour une explication physiologique des processus psychiques n’est que la traduction de ces processus en termes empruntés à une physiologie conjecturale. » On sait que Lewes a montré ailleurs (voy. Rev. scient., 20 janv. 1877) combien sont contradictoires les essais de localisations psychophysiologiques. « Je ne puis jamais, dit-il lire sans sourire les affirmations confiantes qui attribuent à certaines cellules nerveuses le pouvoir de transformer les impressions en sensations, à d’autres le pouvoir de transformer les sensations en idées ; qui assignent à la volition tel centre, à la sensation un autre, à la perception un troisième, à l’émotion un quatrième… À moins d’être éclairée par l’étude de l’organisme pris dans son entier, l’investigation des cellules nerveuses n’apportera pas plus de lumière à la psychologie, que l’étude minutieuse de la structure moléculaire des rails d’une voie ferrée n’expliquerait le système des chemins de fer… Qu’une impression sur la peau ait besoin d’être transmise à la couche optique avant de devenir une sensation, et de là aux circonvolutions cérébrales avant de devenir une perception, la chose est très loin encore d’être un fait démontrable. Le rôle attribué aux fibres et aux cellules dans cette transmission et cette transformation est purement imaginaire (§ 87). »

La Sociologie, au même point de vue de la connaissance des causes, a une importance exceptionnelle. « Comme en effet les hommes diffèrent plus dans leurs relations sociales que dans leurs relations physiologiques, c’est aux premières que nous devrons demander l’explication des différences intellectuelles et morales qui ne seront pas manifestement assignables à des différences de structure. » À côté de l’expérience de l’individu, on placera de plus l’ « expérience de la race », l’action de ce facteur social qu’on appelle l’ « esprit du siècle, la conscience collective, le sens commun », consensus gentium. Ce nouveau mécanisme spirituel n’a-t-il pas ses organes indestructibles : la tradition, les beaux-arts, la langue, la religion ? L’esprit individuel est donc autre chose que le produit de l’organisme et de l’expérience strictement individuelle ; il subit aussi la direction et l’impulsion du general Mind. « Les conceptions que l’esprit général s’est une fois assimilées devien-