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Si l’on veut que la psychologie ne s’occupe que des faits de conscience qui constituent le moi, ces lois paraîtront en désaccord avec l’expérience. En effet, il est faux que la ressemblance soit perçue toujours plus facilement que la différence. On sait que l’habitude a souvent pour effet d’amener l’inconscience. Nous finissons presque par ne plus no.us apercevoir de la présence des objets qui sont sans cesse sous nos yeux. Si alors une excitation différente vient se joindre à l’excitation habituelle, elle sera perçue beaucoup plus nettement par la conscience. Il semble ici que la loi soit en défaut ; il n’en est rien cependant, et on le reconnaîtra si l’on tient compte non seulement des faits de conscience, mais de l’impression inconsciente parfois pour nous, ou perçue à peine par la conscience, qui agit sur nos organes.

Que tout fait de conscience soit accompagné d’un phénomène physiologique, c’est ce que les récentes découvertes de la physiologie ont mis à peu près hors de doute. Les expériences de Brown-Séquard, de Broca, de Schiff, de Byasson ont permis de reconnaître que, pendant l’activité de l’esprit, le sang afflue au cerveau, une élévation de température se manifeste dans le même organe, et la substance cérébrale s’use. De même, un muscle qui se contracte reçoit plus de sang, s’use et s’échauffe. Autant qu’on peut en juger, le travail accompli par le cerveau paraît proportionnel au travail accompli par l’esprit. Mais tout phénomène physiologique du cerveau n’est pas accompagné d’un fait de conscience, et la condition indispensable de ce dernier fait paraît être un certain degré d’hyperémie et une certaine activité dans les échanges nutritifs. Si une excitation arrive au cerveau et provoque un trouble considérable, la conscience sera vive, si elle s’établit facilement, l’afflux sanguin sera moindre, et la conscience moins nette.

Une fois que certaines excitations ont pu tracer leurs voies, grâce à de nombreuses expériences, elles auront moins de peine, toutes choses égales d’ailleurs, à pénétrer dans les centres nerveux, et n’exigeront ni attention ni afflux sanguin considérable. À mesure donc que l’excitation deviendra habituelle, elle provoquera, à partir d’un certain moment, un trouble moléculaire de moins en moins grand, et, corrélativement, des faits de conscience de moins en moins vifs, à moins que l’afflux de sang et la conscience qui l’accompagne ne soient causés par des circonstances extraordinaires. Ainsi, l’intelligence, la sensibilité tendent vers l’inconscience, le mouvement volontaire vers l’activité réflexe. La perfection, c’est l’automatisme.

Il résulte de là que, précisément parce que les ressemblances peuvent à un moment dorme s’imposer plus facilement aux centres