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formes d’oracles. D’autres enfin, et M. Marion est du nombre, se préoccupent surtout d’être d’accord avec ceux à qui ils s’adressent. Persuader leur plaît mieux que convaincre. Une psychologie fine et délicate, profonde quelquefois, mais toujours intéressante ; des observations et des réflexions justes, que chacun accueille avec plaisir parce qu’il se croit, bien à tort, capable de les faire lui-même et qu’il se figure y reconnaître ses pensées de tous les jours ; un naturel parfait ; dans le style, le ton d’une conservation aimable el distinguée : voilà les qualités qu’ils recherchent et qu’ils atteignent. Tel était aussi le fondateur de la psychologie moderne, John Locke, auquel M. Marion a consacré, avant le livre qui nous occupe, une curieuse et pénétrante étude.

Il faut ajouter, nous l’avons dit, en ce qui concerne M. Marion, une grande élévation de sentiment, un souffle d’honnêteté et de conviction morale, qui, se répandant discrètement à travers tout le livre, en anime toutes les parties et lui donne, aux yeux du lecteur, un prix tout particulier.

Victor Brochard.

Zaborowski. — L’origine du langage. 1 vol. in-18. Collection de la Bibliothèque utile. Germer Baillière. 1879.

Souhaitons à ce petit livre la bienvenue auprès du public ; il le mérite vraiment par la netteté des idées, l’érudition saine et la sûreté de critique qu’on y remarque. Il était difficile de résumer avec plus de concision et d’à-propos les nombreux travaux que cette intéressante question a fait éclore de nos jours.

L’incohérence des méthodes employées pour résoudre ce problème, la légèreté des arguments à priori mis au service de solutions aventureuses, présentées comme définitives, ont découragé souvent beaucoup de bons esprits et éveillé leur défiance en pareille matière. Cette défiance aujourd’hui serait imméritée ; elle doit être combattue. Une à une, les hypothèses vagues, fausses ou incomplètes, ont croulé. D’abord, et avant toutes les autres, la théorie de l’invention artificielle et mécanique du langage (Démocrite) ; puis la doctrine de l’institution divine (de Bonald) ; puis l’hypothèse d’une formation nécessaire et spontanée, en vertu d’une sorte d’instinct ou de faculté innée (thèse du Cratyle, Jouffroy, Renan, 1re théorie de Max Müller). L’étude historique des langues, de leurs développements, de leurs rapports de filiation ou de consanguinité, et de leurs différences ; l’observation comparée des races et des langues parlées au sein de chaque société, grande ou petite ; les études faites sur l’acquisition du langage par les enfants ; les matériaux amassés par les zoologistes touchant le langage des animaux, — ces recherches, toutes inspirées par l’esprit scientifique, ont fourni les