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LES LOCALISATIONS PSYCHOLOGIQUES

DU POINT DE VUE SUBJECTIF ET CRITIQUE


Notre corps est, dans l’état normal, comme un instrument délicat dont le plus léger tressaillement nous dénonce la partie excitée, la corde musicale pincée du dehors. Chacun de nous possède ainsi une sorte de science topographique de son organisme et des points les plus irritables ou le plus fréquemment irrités. D’où nous vient cette science ? Est-elle une connaissance innée d’un genre spécial ? un produit lentement accumulé de l’expérience ? ou une interprétation fatale, inconsciente de celle-ci, et comme une projection forcée de nos états affectifs dans l’espace ? Ces différentes opinions ont rencontré de notre temps des partisans et des adversaires, aussi bien parmi les physiologistes que dans le monde des psychologues[1]. Aucune d’elles, après mûr examen, ne semble devoir emporter l’assentiment du philosophe, pour des raisons diverses d’ailleurs. C’est peut-être qu’aucune ne s’est placée au véritable point de vue d’où il conviendrait d’envisager le problème et d’expliquer les défauts des thèses essayées jusqu’à ce jour : il ne saurait être inutile à cette science du moi, où les savants se plaisent à introduire leurs procédés et leurs manières techniques de voir, de replacer la question sur sa véritable base, l’observation intérieure, non point étroite et superficielle, mais accessible à tous les conseils, aux justes remarques des spécialistes, sans cesser d’être le mode d’explication si heureusement pratiqué par Descartes, Leibniz et Maine de Biran.

L’explication la plus ingénue, celle du sens commun, consiste à dire que si une excitation périphérique de notre organisme est immédiatement localisée à la surface de telle partie, poitrine, bras ou jambe, et dans tel endroit défini, le fait tient à une aptitude générale de l’âme, et l’on sous-entend à une sorte d’harmonie

  1. Voy. Dr S. Stricker, Studien über das Bewusstsein, Vienne, 1879 ; W. Braumüller. — Bain. Les sens el l’intelligence, chap. I. 5, pp. 354-359.