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pendant de sensations également musculaires et de sensations organiques. Autant il peut se former de groupes de cette nature, ou d’associations entre ces groupes, par le seul effet de notre activité motrice, autant il y a de localisations primaires. C’est dire qu’il y en a une infinité, et que leur nombre est toujours susceptible de s’accroître : et en effet plus ces localisations deviennent spéciales ou délicates, plus elles supposent une évolution avancée de l’activité motrice propre aux organes. Tels de ceux-ci dorment jusqu’à l’âge de puberté : la faculté de localiser leurs sensations spécifiques ne s’exerce pour eux qu’à cette époque. Il ne coûte point à notre théorie d’admettre que ces localisations motrices, du moment où les plus essentielles ont été faites, ne s’étendent que lentement, de proche en proche, aux régions profondes ou périphériques de notre corps.

Mais notre corps est autre chose qu’une somme de points d’application de notre force motrice et une étendue intérieure de résistance. Il est essentiellement pour le vulgaire chose visible et tangible, et l’on entend le plus souvent par localisation l’attribution d’une impression à un point de cette étendue corporelle, faite avec l’aide de la vue et du toucher. Les localisations de ce genre sont en réalité secondaires : une sorte de reconnaissance générale de l’organisme, faite du dedans par l’activité motrice, les a précédées. Les localisations primaires sont à la base de toutes les autres : elles sont le canevas, celles-ci la broderie. Remarquez en effet que ces deux sens si instructifs, le toucher et la vue, sont inévitablement tributaires de notre activité motrice : impossible d’avoir l’idée d’un objet extérieur tangible ou visible sans remuer avec quelque effort conscient la main ou l’œil. Les éléments sensationnels propres à ces deux sens, couleur, froid pu chaud, etc., ne détermineraient jamais une localisation à eux seuls ; sous ce rapport, la vue et le toucher sont aussi peu privilégiés que l’odorat, l’ouïe et le goût.

Une fois que la vue et le toucher se sont mis à l’œuvre, notre corps nous est connu comme une masse de points colorés et résistants. Et parce que l’expérience nous montre sans cesse que chacun de ces points est capable de provoquer dans la conscience une sensation agréable ou douloureuse, que quelques-uns ont la propriété d’être directement mus par la volonté, la fusion se fait d’elle-même entre les données de l’observation subjective et celles de l’observation objective : chaque groupe de points colorés ou résistants se lie à un groupe de sensations musculaires ou de sensations organiques ; quelques-uns de ces points, par un rare privilège, se soudent même terme à terme à des sensations musculaires ou organiques spéciales. Alors il y a des « signes locaux », en ce sens que telle excitation