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LA CROYANCE ET LE DESIR

LA POSSIBILITÉ DE LEUR MESURE



Il serait scientifiquement désirable de dégager parmi les innombrables grandeurs continues que l’âme semble nous présenter, — degrés du froid ou du chaud, éclat plus ou moins vif des couleurs, vivacité croissante ou décroissante des peines ou des plaisirs, etc., — une ou deux vraies quantités qui, partout mêlées aux éléments qualitatifs des sensations, se prêteraient, en droit ou en fait, à l’application du nombre. Ne seraient-elles mesurables qu’en droit, en théorie pure, et non en fait, la démonstration de leur mesurabilité essentielle, quoique cachée, aurait encore son prix. Il serait naturel, si ces quantités se montraient, de conjecturer qu’elles forment la part propre du sujet, et il y aurait lieu d’examiner ensuite si, par d’autres caractères, elles ne révèlent pas leur nature à part, fondamentale et irréductible.

Mais ces quantités psychologiques existent-elles ? Il n’est pas permis d’aborder cette question sans dire préalablement un mot des chercheurs puissants et profonds, sinon toujours heureux, qui ont fondé la psychophysique. Les psychophysiciens, malgré leur louable intention de quantifier l’âme, me paraissent négliger justement les deux seules grandeurs internes dont les variations continues et les degrés homogènes suggèrent naturellement l’emploi du calcul, quoiqu’elles échappent à l’application des instruments physiques de mesure : à savoir la croyance et le désir, et leurs combinaisons réciproques, le jugement et la volonté.

Ce sont les degrés de la sensation que ces hardis savants prétendent calculer ; on connaît la fameuse loi de Fechner et autres formules également ingénieuses dont l’inexactitude presque complète a été démontrée, notamment par Hering. Quand, par hasard, ces essais de mensuration subjective réussissent jusqu’à un certain point et obtiennent l’assentiment général, on remarquera que c’est dans leur application aux sensations considérées soit comme agréables ou