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g. tarde. — la croyance et le désir

est impossible de concevoir autrement que comme agréables ou pénibles ? Il y a les sensations érotiques ; mais ce n’est point surprenant, puisque nous ne pouvons les ressentir qu’à la condition de les désirer. Dès que leur désir cesse, on sait combien leur image devient répulsive. Quant aux sensations produites par le déchirement sanglant des muscles, la répulsion instinctive qu’elles font naître est clairement liée au désir fondamental de continuer à vivre.

Quand, une image étant donnée (voir ci-dessus, 1er cas), le désir vise la sensation correspondante, il serait plus exact de dire que c’est toujours l’image elle-même qui est le contenu du désir. En effet, dans ce cas, l’image est donnée d’abord comme jugée telle, comme niée être une sensation, et ce qu’on désire alors, c’est cette même image en tant qu’affirmée être une sensation. C’est cette négation qui appelle le vœu de cette affirmation. En veut-on une preuve ? Dans un rêve érotique, une image voluptueuse étant offerte, on s’y attache comme à la réalité même, et l’on ne désire que la continuation ou la variation légère de cette image. C’est qu’en rêve l’image ne se présente pas comme n’étant pas une sensation.

Mais, par là, nous voyons que la passion, comme d’ailleurs les autres états de l’âme déjà indiqués, n’est pas une simple combinaison du désir et de l’image, et que le désir s’y combine aussi avec le jugement, c’est-à-dire avec la croyance. Occupons-nous maintenant de ces dernières combinaisons, celles de la croyance et du désir, où intervient toujours sans doute, mais secondairement, l’élément sensationnel. Nous en avons cité plus haut deux exemples notables, l’attention et la question. Citons encore la proposition et la volition. En devenant explicite et verbale par la proposition, qui est toujours, au fond, une conclusion plus ou moins déguisée (chacun de ces termes, attribut ou sujet, étant lui-même un jugement figé en notion), la croyance inhérente aux perceptions immédiates s’est affranchie. Mais on ne songe à utiliser de la sorte ce qu’on sait, ce qu’on croit très fort, et à en déduire d’autres connaissances ou croyances très fortes qui y sont impliquées, que si l’on désire posséder ces dernières. Affirmer ou nier, conclure, c’est pousser la croyance d’un groupe d’impressions ou de souvenirs à un autre groupe, qui est désiré. De même, la volonté est le désir mobilisé comme jugement. Je veux ceci, parce que je désire cela et que je juge qu’un lien de causalité existe entre ceci et cela. Comme la différence des points de l’espace situés sur la même ligne droite, tout importante et profonde qu’elle est, est indifférente au regard de la force mécanique qui les traverse sans s’altérer, ainsi la différence des actes successifs qui concourent à la même fin est comme