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g. tarde. — la croyance et le désir

seul plan. Dira-t-on qu’il n’y a pas de volume négatif, de vitesse négative ? Mais ce sont là des abstractions de quantités et non des quantités concrètes, et il importe de les rattacher à leur substrat. La vitesse fait partie du mouvement ; le volume n’est séparé qu’abstractivement de la forme ; et il n’est pas de forme, si compliquée qu’elle soit, comme le montre bien la symétrie bilatérale des animaux, qui ne puisse s’opposer à une contre-forme, ou qui n’en contienne en soi, par exemple le cercle. Dira-t-on encore qu’il n’y a pas de masse, de densité négatives ? Mais la masse et la densité sont fonctions du poids, c’est-à-dire de l’attraction newtonienne qui, avons-nous dit, rayonne en une infinité de sens inverses. Chaque masse contient en soi ses myriades d’oppositions pareilles.

Arrivons à la mineure de notre argument. Ici M. Delbœuf vient à mon aide. Il combat victorieusement (Revue philosoph., janvier 1873) l’hypothèse des sensations négatives hasardée par Fechner, qui, au delà du point où la sensation s’annule et devient inconsciente, imagine une série de degrés aboutissant à l’inconscience infinie, sorte d’antipode de la conscience parfaite[1]. Sans adopter cette conjecture, on pourrait tomber dans l’erreur commune de regarder les oppositions apparentes de certaines sensations singulières et accouplées deux à deux, le chaud et le froid, le blanc et le noir, le sucré et l’amer, le rude et le poli, comme assimilables à celle des valeurs positives et négatives d’une même quantité. Mais le blanc et le noir, le chaud et le froid se signalent parmi les autres impressions de la vue et du toucher, uniquement parce qu’ils ont pour spécialité de marquer soit l’augmentation ou la diminution brusque de l’excitation physique à laquelle la vue ou le toucher viennent de s’habituer, soit l’extrême limite, en deux directions inverses, du champ d’opérations physiologiques de ces sens parvenus au point où leur non-exercice absolu les paralyse ou tend à les endormir et où leur exercice exagéré les décompose. C’est en raison de la connaissance que nous avons de ces accroissements ou décroissements de quantités

  1. Croyance, désir, sensation : voilà des termes simples et précis. Au contraire, qu’est-ce que la conscience ? Ce terme complexe et confus, dont les psychologues abusent, est aussi mal choisi par eux que pourrait l’être par les géomètres un vocable où l’idée d’espace se présenterait amalgamée à celle de matière. L’ambiguïté de cette notion se montre quand on essaye de répondre à cette question : Quel est le maximum de conscience ? On voit sans peine qu’il n’y a pas un maximum, mais deux maxima ; dans certains états d’apathie, de somnolence du désir, mais de vive illumination théorique, on se sent aussi éveillé que possible ; d’autres fois, dans des instants de trouble intellectuel, mais de passion violente ou de résolution invincible, on échappe de même, par une issue différente, au clair obscur de ce demi-sommeil où se passe la « vie ordinaire ».