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g. tarde. — la croyance et le désir

tion… Si nous voulons arrivera une loi et de là remonter à la cause, il nous faut mesurer la sensation, c’est-à-dire la rapporter à une unité de sensation. » M. Ribot, il est vrai, conteste (p. 878) la mesurabilité des états internes à part de leurs causes ou conditions extérieures. Mais, en fait, ajoute-t-il, « la difficulté a été tournée ; on mesure non la sensation, mais des différences de sensation. » Fort bien, mais ne s’agit-il pas de différences senties et immédiatement jugées égales ? C’est donc toujours au postulat de la mesurabilité par soi de l’état intime qu’il faut en venir d’une manière directe ou détournée. Or quel est l’état intime, je le répète, dont l’homogénéité, dans toute l’étendue prodigieuse de son domaine, soit mieux attestée par la conscience que celle de la croyance et du désir ?

On pourra s’étonner que, parmi les essais possibles de mensuration de la croyance individuelle, nous n’ayons pas fait figurer le calcul des probabilités. Nous avions nos raisons, que le lecteur va comprendre. Cependant, si cette branche de mathématiques ne donne point, à notre avis, la mesure de la croyance, elle nous fournit en faveur de sa mesurabilité un argument si puissant que nous ne pouvons l’omettre. Malgré les critiques dont elle a été l’objet de la part des philosophes, malgré l’absurdité apparente d’admettre qu’un événement qui nécessairement, par hypothèse, doit être ou doit ne pas être, soit plus ou moins probable, on ne croira jamais qu’une théorie élaborée par tant de génies éminents et d’esprits rigoureux repose entièrement sur le vide. Ce calcul célèbre s’applique assurément à quelque chose de calculable ; il mesure ou du moins a pour but de mesurer quelque chose qui est mesurable. Mais quelle chose ? Serait-ce, comme on l’a dit malicieusement, « le degré d’impossibilité du certain et le degré de possibilité de l’impossible » ? Il est clair que, pour un géomètre déterministe, la probabilité n’a ni ne peut avoir rien d’objectif. Et si, aux yeux des partisans du libre arbitre, pour M. Renouvier par exemple (voy. Essais de critique générale, t. II, p. 421 et s.) ou pour tout autre philosophe rallié à la doctrine, très profonde par endroits, de la réelle ambiguïté de certains futurs, la probabilité devient susceptible d’un sens objectif, dans des circonstances assez restreintes, elle perd du même coup la faculté d’être mesurable. Ne pouvant être objective, la quantité à laquelle le calcul des probabilités s’applique, à moins de n’exister pas, doit être subjective. Ce ne peut être que la croyance. Bernoulli, dont l’opinion compte en pareille matière, se place à ce point de vue. « Je dois dire cependant, reconnaît M. Renouvier, que Bernoulli n’entendait pas que le calcul des probabilités eût à mesurer autre chose que les attentes. Le fondement de ce