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bénard. — la théorie du comique.

Nous ne pouvons nous dispenser d’exposer avec quelque étendue ce qui principalement nous intéresse. La théorie qui en fait le fond roule sur deux points essentiels : 1o le risible ou le comique ; 2o l’humour ou le genre humoristique.

I. Voyons d’abord comment Jean-Paul définit le risible ou le ridicule et comment il explique le phénomènes qu’il provoque chez l’homme : le rire.

L’opposé du ridicule, c’est le sublime. Le sublime, c’est l’infiniment grand ; le ridicule est donc l’infiniment petit ; mais en quoi consiste cette petitesse idéale ? Selon Kant, le sublime, c’est l’infini qui dépasse la portée des sens et de l’imagination. Comment l’infini peut-il se manifester dans un objet sensible quand celui-ci est trop petit pour que les sens et l’imagination puissent se le figurer ? Il y a là une objection que l’auteur vainement cherche à résoudre. Quoi qu’il en soit, le principe est celui-ci : à l’infiniment grand qui éveille l’admiration doit s’opposer l’infiniment petit qui détermine le sentiment contraire.

Mais il faut distinguer plusieurs genres de petitesse. Ainsi, dans le monde moral, rien n’est petit, la moralité produit l’estime et son contraire le mépris, ou l’amour et la haine. Or le risible n’est ni assez bon ni assez mauvais pour être objet d’amour ou de haine ; il ne lui reste donc de sphère d’action que celle de l’entendement. Son domaine est celui de la déraison ou de l’absurde. Mais, de plus, si l’on veut qu’il excite un sentiment, il faut qu’il devienne sensible, qu’il soit contemplé dans une action ou une situation. Or cela n’est possible qu’autant que l’action, comme moyen faux, trahit une contradiction, ou que la situation, comme miroir, exprime et fait éclater le mensonge ou l’absurdité.

Ainsi le risible, c’est l’absurde rendu sensible ou, comme on dit, qui saute aux yeux, parce qu’il manifeste une contradiction.

Telle est la définition de Jean-Paul ; mais ce n’est pas toute sa théorie. Une simple erreur et la déraison ne sont pas risibles par elles-mêmes. Une erreur en soi n’est pas plus ridicule que l’ignorance ; mais l’erreur doit se manifester par une tendance ou par une action. Un homme en bonne santé qui se croit malade nous parait comique par les précautions sérieuses qu’il prend contre sa maladie imaginaire. Il faut que les actes et la situation soient rendus sensibles pour que la contradiction aille jusqu’à l’effet comique ; mais nous n’avons toujours là qu’une erreur finie exprimée sensiblement ; et cela n’est pas encore la déraison infinie ou l’absurdité de la sottise.

En outre, comme dans un cas donné, un homme ne peut agir que selon sa manière de voir, son erreur n’offre rien de comique tant