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bénard. — la théorie du comique.

Cette phase de la théorie du comique que nous décrivons n’est pas encore complète. Ce qui lui manque en effet, c’est le caractère vraiment philosophique, absent de toutes ces théories. Jean-Paul est un écrivain et, si l’on veut, un penseur humoriste ; il n’est pas proprement un philosophe. Il emprunte à Kant, à Schelling, à Fichte, sans trop savoir ce qu’il emprunte, ou sans s’en rendre compte ; s’inspirant de sa propre originalité, il ajoute à ce qu’il prend à autrui ses propres vues, souvent profondes, mais éparses, quelquefois sans lien avec ses principes. Fr. de Schlegel est bien un philosophe, mais il ne l’est pas assez ; lui-même souvent se contredit ; plus tard même, il se renie et condamne ce qu’il a exposé et enseigné. Il était donc nécessaire que la théorie de l’ironie et de l’humour trouvât son véritable interprète dans un penseur à la fois philosophe et esthéticien qui lui donnât sa forme systématique, légitimement et rigoureusement déduite. Elle le doit à Fr. Solger, métaphysicien distingué, à la fois penseur remarquable et écrivain érudit, que l’esthétique allemande compte parmi ses représentants principaux. Ses œuvres sont souvent mises en parallèle avec l’Esthétique de Hegel, qui professe pour lui la plus haute estime et le distingue des autres écrivains de l’école de l’ironie. (Esthét., introd.) L’ensemble de sa doctrine sur le beau et l’art, dans son ouvrage principal (Erwin), se termine par un remarquable exposé de sa théorie de l’humour ou de l’ironie, qui est le dernier mot de cette école. Nous nous bornons à en indiquer les points les plus saillants.

L’ironie y est proclamée la forme la plus élevée, le centre même de l’art (p. 233). Or le point culminant de l’humour lui-même, l’humour parfait, l’imagination dans l’imagination (Phantasie der Phantasie), l’art divin (gottliche Kunst), le fruit dernier de la maturité de l’art, le miracle de la raison esthétique, quel est-il ? C’est l’ironie, l’ironie divine. Ce principe caché, que fournit la philosophie de Fichte, c’est le moi, l’activité infinie du moi. Quel est son résultat ? l’anéantissement, la nullité de l’idée (die Nichtigkeit der Idee). (Ibid.)

C’est bien la théorie de Jean-Paul et de Schlegel. Là est aussi le vrai centre de l’art (der wahre Mitte der Kunst). — Nous supprimons la démonstration logique, pour arriver à la définition de l’ironie elle-même, telle qu’on doit la concevoir dans l’artiste :

« Donc l’esprit de l’artiste doit concentrer toutes les directions dans ce regard qui domine et embrasse tout, et ce regard qui plane sur tout, qui anéantit tout nous l’appelons l’ironie. » (p. 271.)

Remarquons-le toutefois, car c’est là ce qui fait l’originalité de la pensée du nouvel esthéticien, ce qui le distingue de Schlegel et