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bénard. — la théorie du comique.

placer le comique et l’ironie au sommet de la pyramide de l’art. Soit ; mais, au moins, ce qu’on ne niera pas, c’est que le problème est posé, son importance est reconnue, l’attention est fixée sur lui. Ce problème a conquis sa place au soleil ou dans la science. Quel que soit le sort qui lui est désormais réservé, il ne la perdra pas, et elle ne lui sera pas disputée.

Quant à la solution elle-même, contestée ou non, n’oublions pas qu’elle est entourée d’une foule d’analyses profondes, fines et délicates, de faits plus ou moins bien décrits ou expliqués qui enrichissent la science dans sa partie expérimentale et positive. Un fait principal qui prime tous les autres, c’est cette forme du comique qui joue un si grand rôle dans l’art moderne, l’humour. Il est décrit dans ses traits essentiels, avec justesse et profondeur, malgré les exagérations, par tous les écrivains de cette école. Reconnue et distinguée des autres formes, elle prend sa place dans la critique des arts et dans leur histoire. Il n’est plus permis de l’omettre ou de la confondre avec les autres formes du risible et du comique, de ne voir en elle qu’une simple nuance, de la traiter comme quelque chose d’accessoire et d’insignifiant. Elle sert à juger comme à expliquer les plus grandes œuvres de l’art et de la littérature modernes, celles de Dante, de Shakespeare, de Gœthe, etc.

Gœthe nous paraît avoir porté un jugement d’une grande justesse sur l’humour et l’école humoristique. « L’humour, dit-il, est un des éléments du génie ; mais, dès qu’il prédomine, il n’en est plus que le faux semblant ; il accompagne l’art à son déclin, le détruit et finit par l’anéantir. » (Maximes et Réflexions.)

Hegel juge encore plus sévèrement l’école de l’ironie (Esthét., introd., 1re part.). Mais l’un et l’autre reconnaissent son rôle légitime dans l’art. C’est comme dans tout système exclusif, la partie voulant s’égaler au tout, absorber le tout lui-même, usurper la première place et trôner en souveraine.

Quoi qu’il en soit de cette théorie et de toutes celles qui la précèdent, on ne peut méconnaître le progrès déjà obtenu de la science esthétique sur le problème limité que nous avons choisi, ni mettre sérieusement en doute la réalité, j’ose ajouter la rapidité de son développement.

Ch. Bénard.