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g. tarde. — la croyance et le désir

le plus intense, est parfaitement légitime dans leur bouche. Supposons maintenant que l’importance des votes se mesure à l’intensité, à la solidité des croyances, et qu’on parvienne, par un moyen quelconque, à peser celles-ci. L’axe de la puissance politique sera déplacé en un instant. Dans cette balance des croyances, en effet, l’électeur modéré, éclairé, même apathique et réputé sceptique, ne manquera pas d’apporter les poids les plus forts, les convictions mûries, inébranlables, à l’épreuve des sophismes et des mots sonores. Qu’on ne se laisse pas abuser par le dogmatisme tranchant des sectaires : au moindre vent de caprice ou d’humeur, leur credo s’envole. Bentham observe finement, dans l’un de ses ouvrages, que la force des affirmations populaires est en raison directe de l’invraisemblance des faits allégués, c’est-à-dire, le plus souvent, en raison inverse du degré de foi inspiré par ces faits à ceux-là mêmes qui les allèguent.

Que déciderons-nous cependant ? Entre ces deux bases que l’on peut donnera la justice des actes, à la légitimité des maîtrises, laquelle choisirons-nous, s’il y a antagonisme entres elle ? L’acte A ou le gouvernement A nationalement le plus désiré, est-il plus ou moins juste, plus ou moins légitime que l’acte B nationalement le plus approuvé, ou le gouvernement B qui a pour lui dans le cœur de ses partisans la somme la plus considérable de confiance et de foi profonde en son droit ? Je ne sais si je me méprends sur la gravité de ce problème, qui me paraît des plus sérieux. Ii s’agit, ce semble, de faire entrer dans un même calcul, non pas, comme le font les utilitaires, des sensations purement qualitatives et une quantité-désir confondue avec elles, mais deux quantités hétérogènes entre elles, quoique séparément mesurables. Qu’avons-nous gagné au change ? Sommes-nous bien avancés pour avoir dégagé l’élément vraiment quantitatif du plaisir et de la peine, s’il se trouve, en dernière analyse, que cet élément est double et que ces deux quantités n’ont pas de commune mesure ? Comment sortirons-nous de là ?


III


La croyance, seul objet du désir.

Le plus simplement du monde, en observant que la certitude, la croyance maxima, est toujours l’objet du désir, et non le désir, fort ou faible, toujours l’objet de la croyance, et que le désir par suite, en