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analyses. — wigand. Der Darwinismus.

qu’elle essaye sans cesse des différences qualitatives à des différences quantitatives. On décompose un caractère donné en une infinité de parties, de différentielles pour ainsi dire, et l’accumulation successive de ces petites modifications doit expliquer le caractère dont il s’agit. Des progrès très petits et très lents, des périodes de temps immenses, voilà la formule magique qui rend possible l’impossible.

Malgré la différence des procédés employés, la doctrine darwinienne n’est qu’une construction à priori de la nature, comme la Naturphilosophie des Schelling, Hegel et autres. La manière darwinienne de poser le problème est juste le contrepied d’une méthode scientifique. Conformément au procédé général des sciences inductives, l’explication darwinienne devrait être pleinement démontrée en ce qui concerne quelques groupes et leurs caractères systématiques, pour être ensuite étendue valablement au règne tout entier. C’est le contraire que fait Darwin. « Au lieu de rattacher les faits à expliquer à une loi générale obtenue par induction ainsi que fait le naturaliste, il se fabrique, en les empruntant non à la réalité, mais à la spéculation, des concepts ou des axiomes, comme ceux-ci : variabilité (prise au sens de mutabilité), hérédité, sélection naturelle, loi biogénétique fondamentale, et il opère avec cela comme avec des causes efficientes ou avec des forces naturelles, s’efforçant d’expliquer ainsi les faits, sans pouvoir pourtant mener à bien aucune explication particulière. » Serrez les choses d’un peu près, et vous verrez que la doctrine de la sélection explique en général la morphologie de tous les mondes qu’on voudra concevoir, sauf les formes particulières de notre règne animal ou végétal.

La manière de procéder du darwinisme est une méthode métaphysique, non scientifique ; on pourrait comparer la théorie de la sélection à l’atomistique. « De même que celle-ci veut expliquer la matière avec ses lois harmonieuses et la diversité de ses aspects à l’aide d’atomes métaphysiques privés de propriétés et de différences individuelles, ainsi cette nouvelle spéculation, confondant tous les attributs spécifiques, essaye, au moyen du concept métaphysique de variabilité, de dériver les oppositions infinies de la nature organique d’une unité indistincte par voie de transmutation. » C’est la science positive qu’on abandonne pour y substituer une mauvaise philosophie.

Reconnaissons les bornes de la connaissance naturelle. L’explication des diverses formes végétales et animales est impossible aussi bien à la philosophie naturelle qu’à la philosophie pure. « L’ancienne philosophie de la nature prétendait dériver la diversité des formes de l’unité de type. C’était, on le comprend bien, entreprendre l’impossible, puisque cette « unité de type » elle-même n’est dégagée que par abstraction de la multiplicité des formes diversifiées, en laissant de côté les différences pour ne retenir que les ressemblances. Une telle abstraction bien évidemment ne saurait servir de base à l’explication des faits, par cela même que ceux-ci sont désormais en dehors et la dépassent. Tout aussi saine est la tentative de la nouvelle philosophie natu-