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ch. richet. — du somnambulisme provoqué

font place à un silence qui n’est guère interrompu que par les réponses aux questions qu’on adresse. Ce silence est presque caractéristique ; les personnes qu’on endort pour la première fois parlent beaucoup, rient et s’agitent au début de l’expérience, mais peu à peu leur loquacité et leur agitation font place à un mutisme obstiné. À mesure qu’on continue l’action des passes, le sujet essaye de relever ses paupières : bientôt elles retombent trop lourdes, ou, tout au moins, ne peuvent rester longtemps ouvertes. Quelquefois même on observe un curieux spectacle : pour ouvrir les yeux, le patient essaye de contracter l’élévateur de la paupière ; mais comme ce muscle est paralysé le premier, la paupière reste close. Alors il cherche à relever le voile palpébral par Faction des muscles congénères, du muscle sourcilier et surtout du frontal, ce qui détermine le plissement du front et d’étranges grimaces. La respiration est calme et régulière, les membres deviennent tout à fait inertes, et, malgré cette inertie, les muscles sont animés de contractions fibrillaires qu’on sent bien aux tendons du poignet, en prenant le pouls. Les mains et les bras restent ainsi sans mouvement, gardant l’attitude qu’ils avaient prise au début. Quant à la figure, c’est un masque qui ne révèle aucune agitation intérieure.

Outre cette altération de la physionomie, il y a encore deux symptômes, sinon constants, du moins très fréquents. La respiration, assez régulière cependant, devient pénible. Le patient éprouve comme de l’anhélation, de l’oppression. Il sent un poids sur la poitrine. Néanmoins le rythme respiratoire n’est presque pas modifié.

Les yeux deviennent rouges, larmoyants. Or, cela ne dépend pas de la fatigue de la rétine, ou de la fixation du regard. En effet, chez les sujets un peu sensibles, si on fait des passes sur la tête, par derrière, et de manière à ne pas fatiguer la vue, le sujet ressentira tout aussi bien cette sensation de picotement et de chaleur dans les yeux. Même chez les sujets les plus rebelles, il est rare qu’on ne puisse constater ce symptôme très caractéristique.

L’impuissance du patient à relever les paupières est, dans quelques cas, fort remarquable. Alors que toutes les fonctions intellectuelles et volontaires sont conservées, les paupières restent closes, et il y a impossibilité de les relever. J’ai observé deux ou trois fois ce phénomène, une fois entre autres sur mon ami R…, lorsque je n’avais pas encore réussi à l’endormir complètement. Il était parfaitement éveillé, pouvant se lever, aller et venir dans la chambre ; mais ses paupières ne pouvaient plus s’entr’ouvrir.

Quelquefois on peut saisir sur le fait une autre profonde modification du système nerveux. On sait, depuis les recherches que j’ai