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de caducité. Pour cette principale raison les écrits de Malebranche nous paraissent comme fanés, les œuvres de Norris nous sont dune lecture fatigante, Berkeley, par instants, déplaît et ennuie. Comme ses contemporains, Arthur Collier a fait à la foi des concessions dont il a été payé par un surcroît de sécheresse ; en retour, sa théologie s’est ressentie bien souvent de sa métaphysique. Son idéalisme a fait de lui un arien.

La vie du nouveau recteur de Langford Magna fut vide d’événements. Nous savons seulement que son mariage de 1707 lui valut de s’allier au chef d’une illustre famille whig, que peu à peu ses ressources se resserrèrent, qu’il connut la gène dans ses vieux jours et qu’il mourut en 1732. La pénurie de ces renseignements biographiques est un petit mal. Ce n’est point le lot des philosophes d’éveiller sur leurs personnes la curieuse attention de la postérité. À la différence des poètes et des artistes, ils ne se mettent point eux-mêmes dans leurs écrits. Le lecteur les admirera sans les aimer, recherchera ce qu’ils ont cru, examinera ce qu’ils ont pensé et oubliera qu’ils ont vécu. Le plus souvent, un nom de philosophe n’évoquera pour nous que le souvenir d’un système, le nom d’un savant signifie pour nous une découverte. Personne plus qu’Arthur Collier n’a disparu derrière son livre. L’homme est tout entier dans la Clef universelle.


III


Le premier sentiment que l’on éprouve à parcourir la Clef universelle est des moins favorables à l’écrivain. Bien que le volume ne soit point gros, la dépense de divisions et de subdivisions y est extrême. Il semble à première vue que l’on manie une table des chapitres un peu délayée. Le style est raide, compassé ; on devine que la plume est tenue par un froid pasteur anglican, chiche de discours aimables et avare de ces fleurs du bien dire qui répandent sur les ouvrages de Berkeley tant de charme et de fraîcheur. Enfin, tout cet appareil de pompeuse logique n’est point toujours d’un emploi bien sincère ; l’ordre et la progression se rencontrent plus dans les mots que dans les choses. La hiérarchie des arguments gagnerait par endroits à être intervertie ; la pensée s’éparpille en ces classifications. On souhaiterait moins d’intervalles dans le progrès du raisonnement, une recherche moins coupée, un fil de réflexion plus uni. On voudrait, pour tout dire, moins de scolastique et plus de doctrine.

Cette part accordée à la critique (et on reconnaîtra que nous