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sanguinaires, menteurs et fourbes, « les naturels sont dépourvus de sympathie ou de reconnaissance même à l’égard des membres de leur propre famille, » de sorte qu’ « il n’existe pas même l’apparence de l’affection entre le mari et la femme ou entre les parents et les enfants ». Le Nouveau Monde offrit, à l’époque de sa découverte, des témoignages analogues. Les Mexicains avaient des villes de 480,000 maisons, mais ils adoraient des dieux cannibales dont on nourrissait les idoles de chair humaine chaude et fumante, introduite dans leur bouche, et faisaient des guerres dans le but de se procurer les victimes qu’il fallait immoler à ces dieux. Ils étaient habiles pour bâtir des temples imposants, assez vastes pour que dix mille hommes puissent danser dans leurs cours, mais ils immolaient deux mille cinq cents personnes par an, rien qu’à Mexico et dans les villes voisines, et un bien plus grand nombre dans tout l’ensemble du pays. Pareillement, dans les États populeux de l’Amérique centrale, assez civilisés pour posséder un système de calcul, un calendrier régulier, des livres, des cartes, etc. ; il y avait aussi des sacrifices d’un grand nombre de prisonniers, d’esclaves et d’enfants, à qui l’on arrachait le cœur qu’on offrait tout palpitant sur les autels, ou qu’on écorchait vifs et dont la peau servait aux prêtres de vêtements de danse.

Nous n’avons pas besoin de chercher dans des régions éloignées ou chez des races étrangères des faits démontrant qu’il n’existe pas de lien nécessaire entre les types sociaux appelés civilisés et les sentiments supérieurs que nous associons d’ordinaire avec la civilisation. Les mutilations des prisonniers qu’on voit dans les sculptures d’Assyrie ne sont pas d’une cruauté moindre que celles dont les plus sanguinaires des races sauvages nous offrent des exemples. Ramsès II, qui se plaisait à se faire représenter en sculpture sur les murs des temples dans toute l’Égypte tenant une douzaine de captifs par les cheveux et leur tranchant la tête d’un coup, massacra dans ses conquêtes plus d’hommes que n’en peuvent détruire un millier de chefs sauvages ensemble. Les tortures infligées aux ennemis captifs par les Peaux-Rouges ne dépassent pas en horreur ; celles qu’on faisait subir dans l’antiquité aux criminels par le supplice de la croix, ou aux gens suspects de rébellion que l’on cousait dans la peau d’un animal fraîchement tuer, ou aux hérétiques qu’on enduisait d’une matière combustible à laquelle ou mettait le feu. Les Damaras, qu’on dit assez complètement dépourvus de cœur pour rire à la vue d’un des leurs tué par une bête féroce, ne valent pas moins que les Romains, qui se donnaient tant de peine pour recruter les victimes de leurs plaisirs qu’on massacrait en masse dans les amphithéâtres. Si les victimes des hordes d’Attila dépassent le nombre de celles que les