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deux états. Ce qui s’applique à l’un peut s’appliquer probablement à l’autre. La fixation de l’attention fait que l’attention se fatigue : or cette fatigue de l’attention est un des éléments essentiels du sommeil.

Il n’est donc pas permis de dire que l’hypnotisme est provoqué par l’éclat de l’objet fixé. Au demeurant une expérience importante de M. Preyer en donne bien la preuve. Après avoir montré que les cochons d’Inde, les poules et les lapins peuvent être stupéfiés, si on les prend brusquement par le cou, il a réuni un grand nombre de ces animaux dans un endroit très obscur. Puis brusquement il a projeté sureaux un rayon de lumière électrique éblouissante. Aucun animal n’a eu de cataplexie. Loin de là, un animal cataplégié dans l’obscurité recouvre l’intégrité de son intelligence lorsqu’on projette sur lui un rayon de lumière électrique. Ainsi une lumière très forte est beaucoup moins active pour produire la cataplexie que le contact de la peau.

Peut-on dire d’ailleurs qu’une boule de cristal, quand elle n’est pas éclairée directement par le soleil, soit un objet très brillant ? Si la vue de cet objet provoque le sommeil, certainement ce n’est pas par son éclat, qui est en somme assez modéré. Combien de personnes regardant longtemps des objets très lumineux ne deviennent pas somnambules ! Les voyageurs qui dans les régions polaires traversent des champs de neige où se réfléchit le soleil, deviennent presque aveugles et sont atteints d’ophthalmies graves ; mais ils ne sont pas hypnotisés.

Nous arrivons donc à cette conclusion que l’éclat lumineux ne peut produire l’hypnotisme que dans certaines conditions particulières, et que la fixation du regard joue un rôle plus important que la lumière qui frappe la rétine.

Mais on ne peut pas non plus toujours attribuer à la fixation du regard tous les phénomènes qu’on observe. En effet, chez les grenouilles par exemple, à aucun moment de l’expérience le regard n’est fixé. Les cochons d’Inde qu’on prend brusquement par le cou, les tritons qu’on pince par la queue deviennent subitement cataplégiques, sans que l’effort d’attention ou la fatigue de la rétine puissent être incriminés. Même lorsque les nerfs optiques sont coupés, la cataplégie peut survenir, comme l’a montré M. Heubel.

Se fondant sur les divers faits observés par lui, M. Preyer a admis que l’état de stupeur où étaient plongés ces animaux dépendait de la frayeur, une impression brusque et forte provoquant chez ces êtres de l’épouvante mêlée à la sensation de l’impuissance vis-à-vis du danger qui les menace. Cette sorte de frayeur particulière serait la cause de la paraplégie.