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th. ribot. — les désordres partiels de la mémoire.

ciales, ou, comme disent certains auteurs, locales. Nous acceptons volontiers cette dernière dénomination, à condition qu’on n’oublie pas qu’il s’agit ici d’une localisation disséminée, suivant cette hypothèse des associations dynamiques dont nous avons si souvent parlé. On a souvent comparé la mémoire à un magasin où toutes nos connaissances seraient conservées dans des casiers. Si l’on veut conserver cette métaphore, il faudrait la présenter sous une forme plus active : comparer, par exemple, chaque mémoire particulière à une escouade d’employés chargés d’un service spécial, exclusif. L’une de ces escouades peut être supprimée sans que le reste du service en souffre d’une manière choquante. C’est ce qui arrive dans les’ désordres partiels de la mémoire.

Après ces remarques préliminaires, entrons dans la pathologie. Si, à l’état normal, les diverses formes de la mémoire ont une indépendance relative, il est naturel qu’à l’état morbide une forme disparaisse, les autres restant intactes ; c’est un fait qui doit maintenant nous paraître simple, n’exiger aucune explication, puisqu’il résulte de la nature même de la mémoire. Il est vrai que beaucoup de désordres partiels ne sont pas restreints à un seul groupe de souvenirs. On ne s’en étonnera guère, si l’on réfléchit à la solidarité intime de toutes les parties du cerveau, de leurs fonctions et des états psychiques qui y sont liés. Nous trouverons cependant un certain nombre de cas où l’amnésie est bien limitée.

Une étude complète des amnésies partielles consisterait à prendre l’une après l’autre les diverses manifestations de l’activité psychique et à montrer par des exemples que chaque groupe de souvenirs peut disparaître, temporairement ou pour toujours. Nous sommes loin de pouvoir remplir ce plan. Nous ne pouvons même pas dire si certaines formes ne sont jamais atteintes partiellement et ne disparaissent que dans les cas de dissolution complète de la mémoire. Il faut nous résigner à attendre de l’avenir des documents pathologiques plus amples ou plus probants.

À proprement parler, il n’existe qu’une forme d’amnésie partielle qu’on puisse étudier à fond : celle des signes (signes parlés et écrits, interjections, gestes). Elle est riche en faits de tout genre, explicable par la loi formulée dans un précédent article. La réservant pour une étude à part, nous allons résumer ce qu’on sait des autres amnésies partielles.

« Quelques personnes, dit Calmeil[1], ont perdu la faculté de reproduire certains tons ou certaines couleurs et ont été obligées de

  1. Dictionnaire de médecine, article Amnésie.