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graphie ne doit rien négliger. Nous verrons d’ailleurs ce quelle apprend sur la persistance des souvenirs.

Les excitations de la mémoire sont générales ou partielles.

I. L’excitation générale de la mémoire est difficile à déterminer, parce que le degré d’excitation est une chose toute relative. Il faut pouvoir comparer la mémoire à elle-même chez le même individu. La puissance de cette faculté variant beaucoup d’un homme à un autre, il n’y a pas de commune mesure : l’amnésie de l’un peut être l’hypermnésie d’un autre. C’est, au fond, un changement de ton qui se produit dans l’état de la mémoire, comme il arrive pour toute autre forme de l’activité psychique : la pensée, l’imagination, la sensibilité. — De plus, quand nous disons que l’excitation est générale, ce n’est qu’une induction vraisemblable. Comme la mémoire est soumise à la condition de la conscience et que la conscience ne se produit que sous la forme dune succession, tout ce que nous pouvons constater, c’est que, pendant une période plus ou moins longue, une grande masse de souvenirs surgit dans toutes les directions.

L’excitation générale de la mémoire paraît dépendre exclusivement de causes physiologiques et en particulier de la rapidité de la circulation cérébrale. Aussi se produit-elle fréquemment dans les cas de fièvre aiguë. Elle se produit encore dans l’excitation maniaque, dans l’extase, dans l’hypnotisme, parfois dans l’hystérie et dans la période d’incubation de certaines maladies du cerveau.

Outre ces cas nettement pathologiques, il y en a d’autres d’une nature plus extraordinaire qui dépendent probablement de la même cause. Il y a plusieurs récits de noyés, sauvés d’une mort imminente, qui s’accordent sur ce point « qu’au moment où commençait l’asphyxie ils ont parcouru, en un moment, leur vie entière dans ses plus petits incidents. » L’un d’eux prétend « qu’il lui a semblé voir toute sa vie antérieure se déroulant en succession rétrograde, non comme une simple esquisse, mais avec des détails très précis, formant comme un panorama de son existence entière, dont chaque acte était accompagné d’un sentiment de bien ou de mal. » Dans une circonstance analogue, « un homme d’un esprit remarquablement net traversait un chemin de fer au moment où un train arrivait à toute vitesse. Il n’eut que le temps de s’étendre entre les deux lignes de rails. Pendant que le train passait au-dessus de lui, le sentiment de son danger lui remit en mémoire tous les incidents de sa vie, comme si le livre du jugement avait été ouvert devant ses yeux[1]. »

  1. Tour ces faits et autres de même nature, voir Winslow, ouvrage cité, p.303 et suivantes.