Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, X.djvu/545

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
535
analyses. — ollé-laprune. De la certitude morale.

elle est subjuguée et charmée par l’éclat de la vérité ; mais par là même, elle se donne elle-même, d’un élan qui part de ce qu’il y a en elle de plus intime, si bien qu’elle n’est jamais plus libre qu’au moment ou elle obéit à une nécessité qui est sa nature même.

Quand il s’agit de certitude morale, les choses se passent de même façon, sauf que le rôle de la volonté est plus important. Dans l’ordre moral comme ailleurs, nous l’avons vu, la connaissance commence par une perception indépendante de la volonté, par une expérience ; mais ici il faut que la volonté se montre dès le premier moment. Tel est le caractère de ces perceptions essentiellement pratiques, telle est en quelque sorte leur délicatesse, qu’elles s’effacent si elles ne sont dès le premier instant accueillies et soutenues par la volonté. Elles se font sans nous ; mais, sans nous, elles cessent de se produire, ou du moins (car elles ne sont jamais entièrement anéanties) elles sont presque comme si elles n’étaient pas. Nul n’adhère comme il faut à la vérité morale, s’il ne veut qu’elle soit ; « ce qui nous est donné, si nous ne faisons rien, nous est ôté. » Il faut, en d’autres termes, que le consentement se joigne à l’assentiment. Bien plus : il semble que la volonté doive se mêler à l’assentiment, car, ici, l’objet demeure en partie obscur : il faut accomplir un véritable acte de choix. Arrivé à cette partie si délicate et un peu subtile de son sujet, M. Ollé-Laprune a sur le travail simultané, sur l’action réciproque de l’intelligence et de la volonté, des pages remarquables où il nous semble avoir le mieux pénétré dans les profondeurs du problème qu’il a entrepris de résoudre. On nous permettra d’interrompre cette analyse par une citation : « Le sens du vrai lui-même se diversifie avec les individus, et l’originalité de chaque âme humaine, cette originalité qui vient à la fois des dons de la nature et de l’action personnelle, se montre jusque dans la manière de voir et de juger, dans les appréciations, dans les affirmations, dans toutes les opérations de l’intelligence. C’est que l’intelligence n’est point un simple miroir où se reflète la vérité, ni un pur mécanisme produisant, en vertu de certaines règles fixes, certains résultats uniformes. L’intelligence est vivante, agissante, et elle opère de mille façons ; et telle de ses opérations, prompte, énergique, délicate, sûre, échappe à toute analyse ; aucun des procédés intellectuels étiquetés et classés n’en saurait rendre compte : c’est une vive action qui a son principe dans la personne même… Ayant à prononcer sur ceci ou cela, nous n’arrivons pas vides et nus, sans autres raisons de juger que certains principes abstraits et généraux ; mais nous avons avec nous nos principes, nos motifs, nos vues personnelles, nos sentiments, tout notre esprit, toute notre âme, tout ce que nous sommes par nature, et tout ce que nous nous sommes faits nous-mêmes par l’usage de la vie, par l’habitude, par l’étude… Pour reconnaître comme il faut la vérité morale, il faut que l’homme soit, d’une certaine manière, semblable à son objet, selon le mot des philosophes anciens ; il faut qu’il fasse la vérité, selon l’admirable parole de l’Évangile : ce qu’il sait, il