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LA MÉTHODE

ET LA

MATHÉMATIQUE UNIVERSELLE DE DESCARTES



I


Les doctrines générales de Descartes ont été, au xviie siècle, l’âme de toutes les sciences, et elles sont restées en partie l’âme des sciences contemporaines. Ce n’est pas qu’avant elles l’esprit de liberté et d’examen dont la science allait désormais s’inspirer, ne se fût déjà fait jour, et que des découvertes importantes et précises n’eussent été accomplies dans divers ordres du savoir. Sans parler des hardis penseurs du moyen âge, qui, sous le joug de l’autorité, pressentaient et prédisaient l’ère lointaine encore de l’affranchissement, l’indépendance de l’esprit humain avait été proclamée aux jours de la Renaissance par les Campanella, les Jordano Bruno, les Ramus. Sans remonter à ces ébauches informes d’une science encore inconsciente d’elle-même, à ces démarches inhabiles vers les voies d’une méthode plus naturelle, dont les traces se retrouvent jusque dans les ténèbres du xiiie siècle ; dès la fin du xve, un homme dont le vaste génie s’était emparé du domaine entier de l’esprit et de l’activité, Léonard de Vinci, avait convaincu de mensonge le savoir illégitime de la nature qui régnait de son temps, et vu dans l’expérience l’unique interprète des phénomènes naturels. Plus tard, l’astronomie s’était renouvelée et agrandie avec Copernic, Tycho-Brahé et Kepler ; les mathématiques pures avaient reçu de Tartaglia, de Cardan, de Ferrari, de Viète, de Bachet de Bourg, de Cataldi, de Neper et de Snellius de précieux accroissements ; la physique expérimentale était née et s’était unie aux mathématiques, le jour où Galilée avait découvert les lois de la chute des graves ; la nature vivante elle-même avait été soumise à l’observation par Rondelet,