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l. liard. — méthode et mathématique de descartes.

tout ordre de connaissances, le relatif, c’est ce qui peut être décomposé et réduit à des éléments plus simples. L’absolu, c’est le résidu simple qui résiste à la décomposition, c’est tout ce dont « la connaissance est si claire et si distincte que l’esprit ne le puisse diviser en un plus grand nombre d’autres choses, dont la connaissance soit encore plus distincte[1]. » Telles sont, dans les choses matérielles, les notions de la figure, de l’étendue et du mouvement ; dans les choses intellectuelles, connues par la lumière intérieure, sans le secours d’aucune image corporelle, les notions de la connaissance, du doute, de l’ignorance ; et, dans ces choses qui peuvent se dire également des corps et des esprits, les notions de l’existence, de la durée, de l’unité ; tels sont encore ces jugements qui ne peuvent se réduire à d’autres plus simples : deux choses égales à une troisième sont égales entre elles ; deux choses qui ne peuvent être rapportées de la même manière à une troisième ont aussi entre elles quelque différence[2]. Toutes les séries distinctes entre lesquelles nous pouvons distribuer les connaissances réelles et possibles aboutissent ainsi à un certain nombre d’éléments simples, au delà desquels l’esprit ne saurait rien atteindre, ni rien demander[3].

Ces natures simples ont un caractère essentiel qui les différencie des natures composées. Les natures composées sont par elles-mêmes obscures et incertaines ; les natures simples sont, au contraire, investies d’une certitude à toute épreuve. En elles, tout est vrai, rien n’est faux. Nous les voyons d’une vue directe, exempte d’illusion et d’erreur[4]. Nous les connaissons non par le témoignage variable et souvent trompeur des sens, ou par les jugements presque toujours illusoires de l’imagination, mais par une intuition si évidente, que le moindre soupçon de doute en est écarté [5]. Pouvons-nous douter que le nombre deux ne soit pas obtenu en ajoutant l’unité à elle-même, qu’un triangle n’ait pas trois angles, que l’existence ne soit pas le contraire du néant, et le repos l’opposé du mouvement’? Ces natures brillent d’une lumière qui n’est pas empruntée.

Là est le centre et comme le nœud vital de la méthode cartésienne. De cette théorie de la certitude immédiate et indiscutable des natures simples, comme Descartes les appelle d’un nom emprunté à la sco-

  1. Regul., Reg. 12.
  2. Cf. Regul., Reg. 12.
  3. Cf. Regul., Reg. 6.
  4. Cf. Regul., Reg. 12.
  5. Cf. Regul., Reg. 3.