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« Les homogènes se comparent aux homogènes.

« Quant aux grandeurs hétérogènes, on ne peut savoir, ainsi que le disait Adraste, comment elles se comportent entre elles[1]. »

Il en résultait une variété d’interprétations, irréductible à l’unité systématique de la science.

Que fit Descartes ? Il créa cette unité d’interprétation et l’étendit sans exception à toutes les opérations de calcul. Pour cela, il lui suffit de substituer, à la représentation de la seconde et de la troisième puissances par des surfaces et des solides, une représentation où les lignes seules sont employées. De la sorte disparaît l’obstacle où venait échouer l’algèbre de Viète, dès la quatrième puissance, à laquelle ne correspond pas, pour la représenter géométriquement, une quatrième dimension de l’espace ; la distinction des grandeurs homogènes et des grandeurs hétérogènes s’évanouit ; toutes les grandeurs peuvent, par suite, être comparées entre elles ; une voie unique et indéfinie s’ouvre devant la science générale des grandeurs. Que telle ait été l’œuvre de Descartes, l’étude de la Géométrie ne permet pas d’en douter. Considérons en surtout le début. Il a pour but d’établir un parallélisme exact et rigoureux entre les opérations de l’arithmétique et les constructions géométriques. Additionner deux nombres, c’est composer un nombre qui contienne autant d’unités que les deux nombres donnés ; de même, additionner deux droites, c’est construire une droite qui soit égale aux deux droite données. Soustraire un nombre d’un autre, c’est composer un autre nombre qui contienne seulement autant d’unités que le plus grand des nombres donnés en présente en excès sur le plus petit ; de même, soustraire une droite donnée d’une autre droite, c’est construire une droite qui soit égale à l’excès de la plus grande sur la plus petite. Multiplier deux nombres l’un par l’autre, c’est composer un nombre qui soit à l’un des nombres donnés ce que l’autre est à l’unité ; de même, multiplier une droite par une autre droite, c’est construire une autre droite qui soit à l’une des droites données ce que l’autre est à l’unité.

Soit, par exemple, AB l’unité, et qu’il faille multiplier BD par BC ; je n’ai qu’à joindre les points A et C, puis tirer DE parallèle à CA, et BE est le produit de cette multiplication.

Diviser un nombre par un autre, c’est composer un nombre qui soit à l’un des deux comme l’unité est à l’autre. De même, diviser une droite par une autre, c’est construire une autre droite qui soit à l’une des deux ce que l’unité est à l’autre. Soit, par exemple, BA

  1. Viète, Isagoye, éd. Schooten.