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LA FOLIE CHEZ LES ENFANTS


I


C’est un préjugé assez répandu que l’enfant, par le bénéfice de son âge, est à l’abri de la folie. Comment se résigner à croire que la nature se livre à ce jeu cruel de déformer des intelligences qu’elle a à peine formées, de désorganiser immédiatement ce qu’elle commence à organiser, de jeter enfin dans les désordres de l’aliénation mentale des êtres qu’elle vient d’appeler à la vie. Naître pour devenir fou ! Quelle anomalie ! Quelle contradiction apparente avec les lois de la nature ! L’enfant par l’énergie d’une force qui ne s’est pas encore usée et fatiguée au contact des choses humaines, par la sève encore intacte de ses facultés naissantes, ne doit-il pas trouver grâce devant la folie ?

Les faits ne permettent pas de s’arrêter à cette illusion complaisante ? Les enfants n’échappent pas plus à la folie qu’ils n’échappent à la maladie. Sans doute l’insanité est relativement peu fréquente dans le premier âge et même dans la jeunesse. C’est de vingt à trente ans que les cadres commencent à s’emplir, dans les statistiques de la folie. De trente à quarante ans, « il y a foule, » selon une expression du Dr Guislain. À l’âge où les facultés ont perdu la fraîcheur vigoureuse des premières années, où les passions sont âpres ou ardentes, où l’homme se trouve le plus engagé dans les luttes de la vie, il est naturel que les chances de folie atteignent leur maximum. Après quarante ans, la proportion baisse de nouveau : l’homme est moins sujet à contracter les affections mentales, parce que, ayant déjà éprouvé avec succès ses forces dans les crises de l’existence, il est raffermi et consolidé dans sa raison ! comme il l’est aussi dans son tempérament et dans sa santé. La vieillesse seule, avec l’affaissement général des facultés, ramènera en plus grand nombre les cas de folie, de démence sénile. Nulle