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g. compayré. — la folie chez l’enfant


III


C’est la manie, c’est-à-dire l’incohérence et le délire des idées, l’agitation furieuse ou la divagation tranquille de la pensée, qui paraît être la forme la plus habituelle de la folie intellectuelle chez les enfants. Sur ce point la plupart des observateurs sont d’accord. Le Dr Delasiauve[1], le Dr Le Paulmier dans sa thèse intitulée Des affections mentales chez les enfants et en particulier de la manie[2], le Dr Morel[3] déclarent que la folie se traduit le plus ordinairement chez les enfants par l’excitation maniaque.

Voici les cas les plus remarquables recueillis par les aliénistes. Nous citerons d’abord l’observation très complète du Dr Chatelain, qui a eu l’occasion d’étudier lui-même une enfant de quatre ans et quelques mois, fille de cultivateurs du Jura. Deux causes surtout, l’une toute physique, la rougeole, l’autre morale, une vive frayeur causée par la vue d’une pompe à incendie, avaient agi sur la faible constitution de l’enfant et déterminé l’état bizarre dont elle souffrait. « Louise, dit le Dr Châtelain, est « drôle », singulière, distraite ; elle répond de travers aux questions qui lui sont adressées… Un jour son père lui dit de lui apporter sa poupée : elle va la chercher, mais ne rapporte rien, tout en disant : « La voilà » la main et le bras font le geste d’une personne qui donne quel pie chose, mais la main est vide… Depuis qu’elle est malade, son caractère a sensible n’eut changé : elle a complètement perdu la timidité naturelle à son âge : en présence de deux médecins qui lui sont inconnus et qui l’examinent, elle n’éprouve aucune crainte, aucune gène. Si on loi fut une question elle répond vivement sans aucune hésitation, mais répond à faux. » Et l’observateur rapporte tout au long une conversation qui témoigne du désordre complet des idées, chez une enfant d’ailleurs très intelligente et dont la maladie ne peut être confondue avec l’idiotie.

L’exemple qui précède nous offre un cas de manie calme, tranquille. Cependant la petite fille en question éprouvait aussi des accès de manie furieuse, manifestés par un besoin perpétuel de mouvement, par des pleurs et par des cris, par des menaces de mort proférées contre ses parents. D’autres fois, l’agitation est le caractère perma-

  1. Voyez Annales médico-psychologiques, 1835, I, p. 527. Forme maniaque spéciale chez les enfants.
  2. La thèse de M. Le Paulmier date de 1856.
  3. Voyez Annales médico-psychologiques, 1870, II. 260-269.