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g. compayré. — la folie chez l’enfant

unes après les autres, plutôt que par la concentration obstinée de toutes les forces de l’esprit dans une même direction.

Quant à l’évolution de la manie chez l’enfant, il est difficile, dans l’état actuel des observations, d’en écrire avec précision l’histoire. La terminaison varie : c’est tantôt la mort qui survient assez vite, tantôt l’idiotie qui succède pour toute la vie aux accès délirants, tantôt et assez fréquemment la guérison qui rétablit l’ordre et la paix dans ces âmes un instant troublées. La plupart des petits maniaques soignés par le Dr Delasiauve et par le Dr Le Paulmier ont guéri dans un espace de temps assez limité.

Le trait le plus caractéristique qui ressort d’une étude encore incomplète, c’est l’apparition fréquente, chez les enfants atteints de manie, de véritables crises extatiques, de ce que Maudsley appelle la folie cataleptique (cataleptoïd insanity). Rien de plus conforme d’ailleurs à la logique de la nature que ces périodes de rémission, pour ainsi dire, de calme et de sommeil de l’âme, succédant à des périodes d’agitation et de violence. L’enfant reste pendant des heures, pendant des jours entiers, dans une sorte de contemplation mystique : la turbulence et la loquacité sont remplacées par l’immobilité et la stupeur. Les yeux sont fixes, le regard méditatif[1]. Dans certains cas il est vraisemblable que des hallucinations expliquent l’attitude immobile et la pose attentive de l’enfant extatique. La petite folle du Dr Châtelain « paraissait voir et entendre des choses qui n’existaient pas… De temps en temps elle prêtait subitement l’oreille d’un côté où personne n’avait parlé et écoutait attentivement pendant quelques secondes. » Dans d’autres cas il est probable que l’enfant, comme il arrive à tous les extatiques, tout en ayant l’air dépenser beaucoup, ne pense absolument à rien.

On a le droit d’espérer que la science dont l’attention est désormais éveillée sur les phénomènes morbides, sur les états anormaux de la conscience des enfants, arrivera à déterminer avec plus de précision que nous ne pouvons le faire encore les diverses formes de la manie et du trouble de l’intelligence dans les premières années de l’existence. Mais ce qui est certain d’avance, à raison des lois qui

  1. Voyez Annales médico-psychologiques, 1855, I, p. 527. Forme maniaque spéciale chez les enfants, communication du Dr Delasiauve. L’immobilité n’est pas l’attitude exclusive de ces extatiques : « Chez quelques-uns de ces maniaques ; il y a une jactitation lente et cadencée à la façon de Polichinelle. La plupart ne voulant pas être soustraits à l’entraînement de leur pensée, semblent insensibles aux paroles qu’on leur adresse, d’autres y répondent par de vagues monosyllabes, des gestes ou un sourire ironique décelant l’incertitude. Les crises enfin peuvent être entrecoupées par la turbulence et des cris, évident résultat de sensations fantastiques. »