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Manuel de l’histoire de la philosophie de Rixner, et le soir, quand il était seul, il se plongeait avec délices dans la lecture de l’historien français. Napoléon et Ney le remplissaient d’admiration. Leur courage (et pourtant il semble nous rappeler que Ségur reproche à l’Empereur dans cette fatale campagne plus d’une défaillance) exalta le sien et le détermina à laisser enfin là des études pour lesquelles il n’avait qu’une demi-vocation, afin de se vouer tout entier à cette philosophie dont le culte, comme il le dit à la fin de sa courte préface, devait faire le bonheur suprême de son existence. Son père lui donna l’argent nécessaire pour aller s’occuper à Halle de sa promotion au grade de docteur en philosophie. Comme travail écrit, il comptait présenter son Titurel ; mais, la thèse devant être écrite en latin, il ne le présenta que comme un appendice à un écrit latin sur les diverses périodes de la littérature allemande qu’il rédigea dans les premières semaines de son séjour dans la ville universitaire. L’examen fut fixé au 2 février 1828. Il eut lieu dans la maison du doyen, le professeur d’histoire Voigtel. Il roula sur l’histoire, sur les trois Critiques de Kant, sur la chimie, le grec, la philosophie du langage, un terrain auquel il n’avait nullement songé et sur lequel l’amena le professeur de philologie Jacobs. Selon l’usage, le candidat avait dû fournir des gâteaux et diverses sortes de vins. Voigtel lui demanda l’Histoire des Phéniciens. Le candidat dit, sur l’autorité d’Hérodote, qu’ils venaient des bords de la mer Rouge. L’examinateur parut en douter et lui mit un Hérodote entre les mains, afin qu’il pût prouver son dire. Rosenkranz fut assez heureux pour trouver sans trop chercher le passage à demi contesté, et les collègues rirent un peu sous cape de la leçon donnée au vaniteux doyen. « Quand le vieux conseiller de cour Schütz me voyait un peu embarrassé dans l’explication des Nuées d’Aristophane, il me laissait le temps de la réflexion, en disant : intérim aliquid bibamus ! Après un quart d’heure de délibération, la faculté prononça le dignus intrare, et on finit par le Champagne.

Rosenkranz songea à enseigner comme Privatdocent de philosophie ; mais il fallait pour cela passer par une nouvelle soutenance de thèses, dont il ne se tira pas avec moins d’honneur, le 28 juillet de la même année. Il avait consacré l’intervalle entre les deux examens à l’étude de la Logique de Hegel ; puis, pour la bien comprendre, il avait senti qu’il lui fallait également aborder Spinoza. Ce fut même une dissertation latine sur le philosophe d’Amsterdam qu’il présenta comme texte de sa soutenance d’habilitation (admission comme professeur). Il débuta par la philosophie de la religion dans l’enseignement universitaire ; puis il passa à l’histoire de la philosophie et à l’esthétique. Il fait la remarque qu’il suivit l’ordre inverse à celui qui est généralement adopté par les professeurs qui débutent et qui commencent tous par la psychologie et la logique. Ce ne fut qu’à Kœnigsberg qu’il enseigna pour la première fois ces sciences, parce que son programme les lui imposait.