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ployés dans le langage, parce que ces mots n’existent plus pour être symbolisés ; les mots écrits ou imprimés restent comme les symboles de rien, comme des dessins simplement bizarres. » Il reconnaît son chemin, ce qui exige une préconception, c’est-à-dire des « propositions d’images » des rues, etc.

L’aphasique peut-il penser sans mots ? « Pour la perception (la reconnaissance ou l’idée) des choses, au moins dans les cas simples, le langage n’est pas nécessaire, car cette sorte de pensée reste à l’aphasique. Les mots sont nécessaires pour penser, au moins la plupart du temps, mais l’aphasique n’est pas privé de mots ; des mots restent automatiquement et inconsciemment à son service. »

La division en langage interne et externe ne correspond point à celle que l’on doit faire entre le double service des mots. Il n’y a qu’une différence de degré entre le langage interne et externe (le langage mental ou à haute voix), et cette différence est insignifiante en comparaison de celle qui existe entre la reproduction inconsciente ou subconsciente et automatique des mots, et la reproduction consécutive consciente et volontaire des mots. C’est cette dernière période qui constitue le langage interne ou externe.

Si nous examinons plus attentivement la dualité du processus de la verbalisation dont la seconde « moitié » est le langage, nous voyons qu’il existe également une dualité dans la reviviscence des images symbolisées, et que la perception est la terminaison d’un processus qui commence par la reviviscence inconsciente ou subconsciente des images qui sont en face des « images-symboles ». M. Hughlings-Jackson « suppose que ces « images-symboles » constituent ce qui paraît être une t notion générale » ou « une idée abstraite ». Si leur particularité n apparaît pas, c’est parce qu’elles sont inconscientes ou subconscientes : elles ont d’abord servi comme images de choses particulières ; elles représentent finalement les images-symboles d’une classe d’images de choses aussi bien que les images des choses particulières. » (P. 326, t. I.)

Il suppose également que l’hémisphère droit préside à l’élaboration inconsciente et automatique des mots, tandis que l’hémisphère gauche préside au langage proprement dit. Pourtant la division n’est pas absolue, car le langage est encore possible dans de certaines limites lorsque l’hémisphère gauche a été détruit ; et, quand les lésions portent sur l’hémisphère droit, le malade n’a pas perdu cet usage automatique des mots qui nous permet de comprendre le langage. « Mais la chose importante, c’est de montrer que la mentation (terme emprunté à Metcalfe-Johnson) est un processus double, et non qu’une moitié du cerveau est « automatique » et l’autre « volontaire ».

Mais revenons à la condition positive des aphasiques, en laissant de côté l’aphasie hystérique ou émotionnelle, qui n’est nullement de l’aphasie, et examinons les expressions dont ils se servent soit continuellement soit accidentellement.