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divers, mais la simple transformation des êtres vivants par l’influence accidentelle de causes physiques, à partir d’une origine commune. Anaximandre, philosophe de l’école d’Ionie, né vers l’an 600 avant l’ère chrétienne, enseignait que les premiers organismes animaux ont été dans l’eau, qu’ils se sont modifiés peu à peu, et que finalement l’homme est un poisson transformé. D’une manière plus générale, les philosophes de l’école d’Ionie n’admettaient pas une diversité primitive des éléments de la nature. Ils expliquaient non-seulement les êtres vivants, mais toutes choses dans le monde par la transformation d’une substance matérielle unique dont ils prenaient le type, les uns dans l’eau comme Thalès, les autres dans l’air comme Anaximène, d’autres enfin dans le feu comme Héraclite. Cette doctrine se retrouve un peu à toutes les époques. De nos jours elle a reparu avec un éclat nouveau, dans les travaux de quelques naturalistes. On l’oppose, sous le titre de doctrine de l’évolution ou du transformisme, à la conception d’espèces véritablement distinctes parce qu’elles seraient une manifestation directe et primitive de la puissance créatrice ou de la nature des choses. Le transformisme conduit à ses conséquences dernières est le résultat d’une série d’hypothèses qui se caractérisent par une tendance toujours plus prononcée à l’affirmation de l’unité. C’est le seul aspect sous lequel j’ai à considérer ici cette doctrine. Suivons ces hypothèses dans leur développement successif.

Première hypothèse. Les espèces considérées comme diverses, mais que les naturalistes réunissent dans un même genre, ont une origine commune et ne sont au fait que des variétés.

Nous trouvons cette idée émise, en 1822, par Herbert[1]. C’est là une hypothèse sérieuse et digne de toute l’attention de la science, parce qu’elle repose sur une base réelle d’induction. Il est en effet constaté par l’observation que des semences végétales prises d’un même individu, ou les produits d’un même couple animal, peuvent offrir des différences notables, et que ces différences se fixent quelquefois par l’hérédité. Les horticulteurs et les éleveurs de bestiaux peuvent arriver à produire des races nouvelles. Il est donc permis de supposer, sans sortir des limites d’une science sérieuse, que les types ne sont pas aussi fixes que la plupart des savants l’ont supposé jusqu’à ces derniers temps, et que les variations possibles dans une même espèce ont des limites plus étendues qu’ils ne le pensent. C’est, je le répète, une hypothèse très-plausible. Le problème posé par l’expérience a été fort bien formulé par M. Claude Bernard, en

  1. Darwin, Esquisse historique en tête du livre De l’origine des espèces.