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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, IV.djvu/664

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atteste ici son expérience personnelle résultant d’évanouissements fréquents auxquels il a été sujet, et dont il a soigneusement observé le début et la fin. Il la confirme par une expérience curieuse pratiquée sur un lapin auquel il enlève et rend successivement la vie cérébrale, en fermant, puis en rouvrant tour à tour les artères du cou (le reste du corps est maintenu vivant au moyen de la respiration artificielle).

Ce parallélisme de l’évolution mentale et de l’évolution nerveuse établit l’impossibilité de tirer l’une de l’autre. Le fait de conscience et le fait physiologique ne sont pas deux manifestations consécutives de la force, ou deux effets successifs de forces différentes, ils constituent les deux faces d’un seul et même fait. Le physique et le moral ne sont que deux aspects d’une même réalité.

M. Herzen conclut de ces prémisses que la psychologie n’est qu’un rameau de la physiologie. Nous lui ferons remarquer que M. Ardigò qu’il cite avec faveur, conclut des mêmes prémisses à la séparation des deux sciences. Il semble, en effet, plus conforme à la nature des choses de faire de la psychologie la base de la sociologie. Mais l’expression a peut-être un peu dépassé sur ce point la pensée de l’auteur ; car plus loin, il représente en effet la psychologie comme la science intermédiaire entre la science de la vie individuelle et la science de la vie sociale.

Quoi qu’il en soit, la vie mentale lui paraît devoir se rattacher à la loi de causalité universelle comme la vie physique. Elle consiste, elle aussi, en un échange, les impressions reçues et enregistrées devant un jour ou l’autre être rendues au monde extérieur sous forme de mouvements : actes ou paroles. L’action réflexe est le type élémentaire de ce double phénomène d’impression et d’expression, de mouvement reçu et restitué, avec accompagnement de conscience. La balance dynamique est la même que la balance matérielle entre l’être et son milieu.

On comprend que de ce point de vue M. Herzen rejette l’idée d’une production spontanée de forces au sein de la conscience. La spontanéité n’est, suivant la doctrine de l’éminent professeur, que relative ; prise dans le sens absolu du mot, elle présenterait une idée inconcevable, celle d’un phénomène sans cause.

Ce court exposé suffit pour indiquer le vif intérêt de l’opuscule que nous analysons. Les publications de M. Herzen ont toutes un double caractère et s’adressent, par la nouveauté des observations physiologiques et la largeur des vues philosophiques, aussi bien aux philosophes qu’aux savants[1]. Peut-être demanderait-on à des ouvrages de psychologie pure un souci plus attentif des nuances, si importantes dans une science aussi complexe ; mais nous ne devons pas oublier que les questions de cet ordre ne sont abordées ici qu’en raison de leur connexion étroite avec les problèmes biologiques, dans la solution desquels M. Herzen acquiert chaque jour une plus grande autorité.

A. E.
  1. Les animaux martyrs, Bettini ; Firenze, 1874. Physiologie de la volonté. Bibl. de philosophie contemporaine. Paris, Germer Baillière, 1874.