Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, IV.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avec l’autre ([citation en grec] [1]). Le hasard en effet est extérieur, la liberté est intérieure. Le hasard est une manière dont les choses nous apparaissent dans leur relation avec nous : c’est l’imprévu, l’indéterminable, qui se produit dans un temps et dans un lieu non certains. Mais cet imprévu est le résultat d’une cause qui se cache derrière le hasard : « in seminibus esse aliam, præter plagas et pondera, causam Motibus, unde hæc est nobis innata potestas [2]. » Cette cause, qui est le fond de la réalité, est en définitive, comme nous l’avons vu, la spontanéité du mouvement, inhérente aux atomes. Le hasard n’est que la forme sous laquelle cette spontanéité se révèle à nous. Quant à nous, ce qui nous constitue, c’est le pouvoir sur nous-mêmes et la liberté du vouloir et du mouvoir : [citation en grec]. Ainsi s’explique entièrement ce passage de Plutarque, que nous pouvons maintenant mieux comprendre : « Épicure donne à l’atome la déclinaison… afin que le hasard soit produit et que la liberté ne soit pas détruite : — [citation en grec] (spontanéité de déclinaison)… [citation en grec] (hasard extérieur qui en est la forme) [citation en grec] (liberté, intérieure qui en est le sentiment) [3]. » La [mot grec] et le [citation en grec] sont les deux modes d’une spontanéité identique au fond, à laquelle Épicure vient de nous dire que le destin des Physiciens se ramène.

Mais ce hasard extérieur, une fois manifesté, n’en devient pas moins pour nous une puissance plus ou moins hostile, la fortune, contre laquelle il faut, par la morale, savoir prémunir sa liberté. La fortune n’est plus, il est vrai, une puissance absolument invariable et invincible, commel était le destin. Avec le hasard changeant et variable, l’espérance est toujours permise, bien plus toujours commandée. Il est pourtant quelque chose de meilleur que de compter sur un hasard pour en corriger un autre : c’est de compter sur soi et sur ce qui dépend de soi : [citation en grec]. Puisque rien d’absolument malheureux, nulle infortune irrémédiable, nul destin inflexible ne peut s’imposer à nous au dehors comme au dedans, la nature ne peut nous dominer, et c’est nous, au contraire, qui devons la dominer par notre volonté. Le sage, qui aurait été réduit au désespoir et à l’inertie devant l’absolu

  1. Voir des textes de Stobée et de Sextus Empiricus qui confirment notre interprétation et montrent bien qn’Epicure ne confond pas la liberté de choix [mot grec]), qui est le propre de l’homme, avec le hasard ([mot grec]), qui n’existe qu’au dehors de nous : « [citation en grec] » Stobée, Ecl. phys., édit. Heeren, I, 206. « [citation en grec]. Sext. Emp., p. 345. V. Plutarch., De pl. phil., I, 20. Galen., c. 10.
  2. Lucr., loc. cit.
  3. Plutarch., De solert. anim., 7.